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EXPOSITION « PUNK ATTITUDE » Maurice Renoma présente PUNK ATTITUDE, une rétrospective et une scénographie sur le mouvement punk à travers la mode, la photograhie, le graphisme, la musique et ses vinyles, et des livres cultes. Des livres de RYTRUT étaient visibles dans la bibliothèque provisoire A la boutique Renoma, Maurice Renoma et son équipe ont customisé des perfectos des années soixante à nos jours ainsi qu’une collection unique de costumes, vestes, chemises, t-shirts, chapeaux et cravates, sur le thèmes Do It Yourself – No Future. Dans cette page : COMMUNIQUÉ DE PRESSE de l’exposition VOUS AVEZ-DIT PUNK ? Par Christian Eudeline, commissaire de l’exposition. LE PUNK : Entretien avec Maurice Renoma par Anne-Sophie Rivière |
COMMUNIQUÉ DE PRESSE
Après avoir exposé la Beat Generation, Maurice Renoma présente : PUNK ATTITUDE
Cette rétrospective rassemble les divers moyens d’expression qui ont constitué le punk, notamment la mode et la musique. L’exposition Punk Attitude met en lumière la révolution engendrée par une génération énergique qui a renversé toutes les valeurs et les codes post-hippies. Mouvement issu de la couche prolétaire, désargentée et en mal d’inspiration, le punk a émergé dans les années 1960 et a explosé dans les années 70 aux USA et en Angleterre, en réaction contre la société conformiste et la crise économique. Mais au-delà du phénomène, c’est un état d’esprit, état d’alerte, qui existe depuis toujours : celui de la révolte qui s’empare des « petits » face aux injustices sociales.
L’attitude punk est révélée par les jeunes rebelles : allures provocatrices et excentriques, idéologie nihiliste et anti-autoritariste, philosophie du Do It Yourself et du No Future. Une telle liberté d’expression vestimentaire, empruntée aux années 50 et 60, aux Teddy Boys et aux Mods, a inspiré de nombreux designers et publicitaires.
Exceptionnellement réunis, 19 photographes de renom sont exposés à la boutique Renoma et au Renoma Café Gallery avec pour la plupart des photos inédites : Richard Bellia, Bruno Blum, Alain Dister, Brad Elterman, Catherine Faux, Férial, Danny Fields, Bobby Grossman, Bob Gruen, Jenny Lens, Mick Mercer, François Poulain, Pierre René-Worms, Marcia Resnick, Sue Rynski, Allan Tannerbaum, Dominique Tarlé, Pierre Terrason, Maurice Wagener.
Témoins privilégiés de la révolte punk, ils ont capté la scène US d’Iggy and The Stooges, MC5, New York Dolls, Television et Richard Hell, les Ramones et les Cramps, la scène anglaise des Sex Pistols, The Clash, The Damned, Siouxsie and The Banshees, la scène française des Stinky Toys, Asphalt Jungle, Metal Urbain et la scène allemande de Nina Hagen.
Au sein de l’exposition mise en scène par Maurice Renoma, une librairie regroupe les ouvrages incontournables sur le punk.
VOUS AVEZ DIT PUNK ?
Par Christian Eudeline, commissaire de l’exposition
1977 est une année historique pour la musique. Mort et enterré, Elvis Presley passe le relais à la musique disco qui envahit clubs et cinémas, mais également à son pendant le plus cru, le punk rock. Les Sex Pistols et le Clash sortent cette année-là leurs premiers albums et gravent les tables de lois d’un genre révolté mais salvateur.
Autant la musique disco s’enivre des succès sans limite d’une société de plus en plus capitaliste, autant les punks crient leur haine du monde moderne. C’est en Angleterre que tout a commencé, pas un hasard. L’année précédente, l’inflation a battu des records, même les fonctionnaires qui ne craignent pourtant pas le chômage sont en grève, la vie est devenue si chère qu’ils sont dans une impasse. Les manifestations se multiplient et tournent souvent à l’affrontement physique avec les bobbies. Pire, l’Empire britannique, qui il y a peu rayonnait à l’international, est obligé de demander de l’aide pour renflouer ses caisses. L’Angleterre est en crise.
C’est cette révolte contre une machine qui s’enraye que les punks portent en eux. Mouvement avant tout musical, les punks cassent les codes du politiquement correct et proposent un retour à une musique primale et bestiale. Le rock n’a pas besoin de fioritures pour être efficace, les morceaux seront courts et les tempos rapides, violent même. Les punks optent pour un look qui va de pair, à la poubelle costumes à paillette et couleurs flamboyantes, adieu aussi cheveux longs, ultime emblème de la coolitude seventies. Les punks veulent incarner le désarroi d’une rue abandonnée par les politiques, ils s’habillent avec les premières fringues venues, souvent de la récupération, et se coupent les cheveux comme une première mutilation. Le bourgeois est choqué, il les trouve même repoussants. Tant mieux. C’est bien là l’effet recherché.
Les punks ont beau crier haut et fort qu’ils sont une génération spontanée, les plus fins observateurs observent des similitudes avec d’autres mouvements artistiques qui les ont précédés, à commencer par les beatniks des années 50 qui fuirent les diktats de la société traditionnelle, ou même les hippies qui rêvèrent d’un monde sinon meilleur, au moins différent. Musicalement aussi les punks ne sont pas nés de la dernière pluie, avant eux il y eut le Velvet Underground, les Stooges ou les New York Dolls. Ils répondent en fait à une séculaire loi de la nature devenue aphorisme sous le plume d’Antoine Laurent Lavoisier : Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme…
En France aussi les Trente Glorieuses connaissent une période plus que difficile en ce milieu des années 70 et des groupes essaient de réagir avec leurs moyens dérisoires : un style, un micro et une guitare électrique. Ils n’auront jamais le succès de leurs collègues anglais, mais défricheront le terrain pour la génération suivante. Si les Bérurier Noir ont autant marqué les années Mitterrand, c’est bien évidemment qu’ils ont profité de l’expérience des Metal Urbain, Asphalt Jungle et autres Stinky Toys. En fait, en ce milieu des années 70, il n’y a qu’aux Etats-Unis ou le plein emploi est à l’ordre du jour, ce qui explique pourquoi les groupes américains n’ont de punk que la forme et pas le fond, il n’y a chez eux aucune nécessité d’un commentaire social énervé. C’est sans doute pour pallier ce manque de matière première, que certains (Patti Smith, Richard Hell) s’imaginèrent comme des héritiers des poètes maudits façon 19e siècle.
Les images présentes ici portent en elles ces stigmates : en fermant les yeux il est facile d’imaginer la bande son qui les habille.
Si j’ai tenu à participer à cette expo en réunissant ces quelques photos, c’est pour plusieurs raisons. Il y a une dizaine d’années j’ai écrit un livre « Nos Années Punk » (Denoël) que j’ai imaginé comme une grande enquête sur ce mouvement. Je voulais raconter une histoire, celle de ce mouvement, en passant par une lorgnette qui m’était chère, celle des groupes français. Mon grand frère a été le chanteur d’Asphalt Jungle, l’un des groupes pionniers du punk hexagonal. Les articles qui lui étaient consacrés dans les journaux tissaient comme une toile invisible entre mon quotidien d’écolier et le monde extérieur, cette nouvelle vague à laquelle je n’avais pas l’âge de participer mais dont je décortiquais dans les journaux la moindre news. En partant à la rencontre de ces groupes une vingtaine d’année plus tard, il y avait comme une complicité tacite, je prenais en quelque sorte le relais de mon frangin. Si je me suis concentré sur l’histoire de ces groupes français c’est parce qu’ils étaient plus facile d’accès et aussi parce qu’aucun livre ne racontait leur histoire. Une injustice que je ne comprenais pas, car il me semblait évident que le mouvement punk n’était pas qu’un épiphénomène, même de ce côté de la Manche où Plastic Bertrand avait dansé son premier pogo chez Drucker, et où des collections de Jean-Paul Gaultier aux livres de Virginie Despentes, l’esprit s’était fortement répandu. J’ai posé à ces acteurs des questions simples : Pourquoi avaient-ils eu envie de créer un groupe ? Comment s’y étaient-ils pris ? Qu’en gardaient-ils ? Qu’étaient-ils devenus ? Avaient-ils abandonné ?
Et je me suis aperçu qu’être punk c’est d’abord une histoire de survie et de révolte. Que c’était un parfait avant-goût à ces années de démerde généralisée. Que les punks se posaient non pas des questions existentielles mais des questions de première nécessité, ils n’ont pas été les premiers et ne seront pas les derniers. Ils m’ont fait comprendre également que les choix de jeunesse ne se renient jamais. Que « punk un jour punk toujours », et que surtout, ils nous manquaient énormément.
Maurce Renoma est-ils punk ? Non, bien évidemment que non, mais son anti-conformisme (il est bien le seul styliste à refuser depuis toujours d’organiser des collections) est la preuve évidente d’une certaine logique et le fruit d’une rébellion. S’intéresser à tous ces groupes après une vie bien remplie l’aide sans doute à mieux comprendre son propre itinéraire, et apporte une preuve supplémentaire à l’ouragan artistique que ce fut. Les punks sont désormais dans les galeries, profitons. »
LE PUNK
Entretien avec Maurice Renoma par Anne-Sophie Rivière
Après vos expositions précédentes : Gainsbourg, Rolling Stones, Hendrix, James Dean et la Beat Generation, pourquoi avoir choisi le punk ?
Après mes expositions précédentes, que pouvais-je choisir d’encore plus fort ? La Beat Generation était déjà un mouvement très fort, marqué par une réaction antisociale, contestataire et une atmosphère révoltée. J’ai toujours aimé lé révolte. Toutes mes expos racontent une histoire de révoltés qui prennent le contre-pied d’une mode en déréliction. Le punk, c’est le mouvement de révolte suprême pourmoi : révolte sociale et vestimentaire.
Les punks n’ont pas toujours très bonne réputation dans notre société : on les voit volontiers comme des marginaux, sales et hirsutes. Vous qui êtes dans la mode du côté dandy parisien, comment intégrez-vous ce mouvement dans votre univers ?
Je suis ani-mode. Pour moi, le mouvement punk n’est pas une mode mais une attitude, une façon de vivre. Pour créer un mouvement de mode ou de contestation, il faut sentir le mouvement et le précéder. Le mouvement punk n’est pas un mouvement à la mode au départ, ce sont des jeunes de 16 ans issus du milieu prolétaire : il n’est pas question de marketing. C’est quoi la mode punk ? Un peu de style motard, un peu de « Fureur de vivre », c’est un peu tout, le punk. Cela a toujours existé, le système D, le recyclage, la récup’… J’ai toujours fait ça.
Quel genre de punk étiez-vous en France dans les années 70 ? Avez-vous suivi le mouvement punk ?
Je n’ai pas suivi le mouvement. Comme je vous l’ai dit : suivre le mouvement pour moi c’est être à la mode, et je n’aime pas ce qui est à la mode. Dans les années 70, j’avais la tête dans le vêtement : j’étais concerné sur le toucher d’un tissu, sa couleur… De toute façon, je trouve que le mouvement punk en France a été plus discret qu’outre-Manche. Le style punk est surtout lié au mouvement anglo-saxon : En France, on est moins démonstratif, moins « agressif ». On a plus l’état d’esprit hippie que punk. En Angleterre, le punk a été récupéré et commercialisé par Vivienne Westwood et Malcolm McLaren. Pour moi, le punk, c’est un état d’esprit, c’est la grande liberté. Etre punk, c’est casser les codes établis. Si on considère que le punk est une façon de vivre, alors je suis punk. J ’ai fait la guerre aux conventions moi aussi : avant, on ne pouvait pas imaginer aller au restaurant sans cravate, il ne fallait pas s’habiller en vert… J’ai viré la cravate de mes collections et mis du vert partout. Le style Renoma a donc contribué à l’abolition de la cravate, et de toutes les superstitions sociales qui vont avec.
Pour vous, qui est le plus représentatif du mouvement punk en France ?
Les Bérurier Noir. Ils ont bien rendu l’esprit antifasciste et antimilitariste du punk. J ’ajouterai Gainsbourg pour cet état d’esprit rebelle et provocateur.
Vous avez assorti vos collections mode à chacune de vos expositions précédentes : comment allez-vous exprimer l’attitude punk à travers le vêtement ?
Avec mon équipe, je vais customiser des perfectos afin de créer une expo dans l’expo. Ce ne sera évidemment pas commercialisé. Il s’agira d’objets d’art, de pièces uniques. Quelques amis photographes et artistes nous accompagneront peut-être dans cette collection de perfectos. Le but, c’est de rendre hommage au mouvement punk, et de s’amuser.