Texte complémentaire au livre de Monte A. Melnick et Frank Meyer, qui parle de tous les membres des Ramones. Cet hommage que rendu à Johnny Ramone permet de jeter un oeil au personnage sous un angle inédit. John Holmstrom est entre autres cofondateur de Punk Magazine. Il a réalisé deux pochettes d’albums du groupe et dessiné la couverture de Sur la Route avec les Ramones. – Rytrut éditions
Johnny Ramone 1948-2004
par JOHN HOLMSTROM
All contents © 1976–2004 PUNK Magazine, Inc. All Rights Reserved.
(Article traduit par Ladzi Galaï, 2012 Rytrut)
Photo : Roberta Bayley
JOHNNY RAMONE, 55 ans, est décédé le mercredi 15 septembre à 15h03, chez lui à Los Angeles, Californie. Il est mort quelques après le concert du 30e anniversaire des Ramones, qui avait été organisé en partie par Johnny lui-même.
Johnny, de son nom de naissance, John Cummings, avait été hospitalisé en juin au Cedars-Sinai Medical Center pour le traitement du cancer. Il était assisté par des amis et sa famille durant la fin… ce qui n’était pas totalement inattendue en raison des commentaires de Marky Ramone sur un site de musique quelques mois avant.
Johnny s’est battu jusqu’au bout – comme un vrai Ramone. Il a survécu avec beaucoup de volonté dans ses derniers jours, en faisant la publicité pour le documentaire de Ramones End of the Century, en travaillant sur un beau livre des Ramones et en organisant les événements du 30e anniversaire.
Mais, Johnny avait mauvaise réputation.
Johnny avait mauvaise réputation pour avoir été un républicain. Comme si être dans un groupe de rock signifiait que vous DEVIEZ OBÉIR à certaines règles, et voter et réfléchir à la politique d’une manière convenue et à gauche… Désolé. Johnny n’a jamais avalé n’importe quelle sottise et il ne croyait pas aux conneries, donc il n’a pas eu peur d’être un républicain. Beaucoup de gens qui le connaissaient soupçonnaient que cela aurait pu être plus une attitude que de la politique, mais Johnny n’a jamais laissé entendre que ses vues étaient autres que sincères.
Johnny avait mauvaise réputation pour avoir été le sergent des Ramones. Grâce au récent documentaire, End of the Century, beaucoup de gens commencent à apprécier son rôle dans le groupe. Je pense que cela a du sauter aux yeux d’un grand nombre de fans, que sans Johnny, les Ramones aurait peut-être pu devenir le groupe de rap de Dee Dee King ou un groupe de pop (si Joey s’en était occupé), embauchant Phil Spector pour produire un autre album. C’est Johnny qui a estimé que les Ramones devaient rester les Ramones, pour le meilleur et pour le pire. Et avec le recul, ce fut pour le mieux.
Johnny avait la mauvaise réputation d’être un ‘mauvais musicien’. Le truc, c’est que son approche du rock’n’roll était totalement différente de celle des musiciens précédents et il a le mérite d’avoir réinventer la guitare électrique – et d’avoir créé le son punk rock. Il jouait de la guitare de la façon dont Mondrian ou Jackson Pollock approchaient la peinture. Simplement parce que ces artistes n’étaient pas à l’image généralement véhiculée de l’artisan moyen ne veut pas dire qu’ils étaient de piètres artistes. Et étant donné que Johnny était loin d’être le guitariste moyen, il serait déplacé de le juger sur les mêmes normes que les guitaristes de groupes comme Foghat, Twisted Sister ou Yes.
Il y a des gens qui pensaient que les Ramones aurait pu prendre un guitariste solo, ou un organiste, ou un percussionniste (incluant moi-même pour les trois). Mais je me trompais (probablement), et Johnny avait raison (je n’aime pas l’admettre). Il a permis aux Ramones de garder leur pureté. Même si c’était du sucre vanillé, au début des années 1980, il a eu la révélation que les Ramones ne devait jamais changer afin de demeurer le premier, le meilleur groupe et le plus punk rock de tous les temps. Donc si vous apprécierez l’héritage des Ramones – créditez Johnny pour l’avoir garder en vie, puisque tout le monde dans le groupe avait de l’amertume.
Johnny a créé une toute nouvelle façon de jouer de la guitare. La plupart des ‘musiciens’ se seraient déchiquetés les doigts jusqu’à l’os s’ils s’y étaient attaqués. Et même s’il n’a pas écrit la musique, la contribution créative de Johnny aux Ramones a été trop souvent sous-estimée.
Johnny a beaucoup fait pour créer, stimuler et renforcer l’image des Ramones – comme les concepts de leurs pochettes de disques. J’ai travaillé étroitement avec Johnny sur celles de Rocket to Russia et Road to Ruin. On me crédite souvent comme si les idées étaient venues de moi mais cela venait tout de Johnny Ramone. Il avait décrit le concept du dos de la pochette de Rocket to Russia mieux que s’il l’avait dessiné lui-même. Et la pochette de Road to Ruin a été inspirée par un croquis envoyé par un fan. Johnny m’a demandé de lui recommander un artiste commercial (qui a refusé le poste), puis il l’a proposé à plusieurs autres illustrateurs avant de se tourner vers moi, car personne d’autre ne comprenait ce qu’il voulait. Johnny et moi nous comprenions. Nous avons tous les deux compris tout ce qui concernait le punk rock. Et notamment comment cela devait sonner, et comment cela devait être représenté.
J’ai toujours eu l’impression que c’était une sorte de sommet quand nous discutions. Quand je parlais avec Joey, il pouvait suggérer des idées pour les magazines, nous aider à faire la publicité et coopérer pour nos photos genre dessins animés. Mais quand je parlais avec Johnny, il était question de l’approche philosophique que les Ramones devaient avoir pour leur musique, et de l’image du groupe. Joey a toujours semblé satisfait de laisser Johnny s’occuper de ce genre de choses – il ne me questionnait même jamais après une conversation que j’avais eu avec Johnny, sur ce que les Sex Pistols signifiaient pour l’avenir du punk rock, ou si le dernier album des Ramones correspondait à ce qu’ils attendaient. Joey pensait déjà à l’album suivant des Ramones. Johnny réfléchissait toujours à l’idée générale du concept.
Johnny avait la mauvaise réputation de se prendre trop au sérieux – comme s’il était un schnock dépourvu d’humour parce qu’il ne souriait jamais devant les appareils photos. En fait, Johnny avait un grand sens de l’humour. Il n’était pas le connard fasciste dont on avait tendance a lui coller l’image. Il était ouvert d’esprit et prêt à considérer différents points de vue. J’ai bien aimé plaisanter avec lui sur les tournées des Ramones. Nous avons beaucoup ri ! Il était très intelligent, tolérant et perspicace. Et puisque nous étions tous les deux des amateurs de baseball à l’époque, nous avions un terrain d’entente. Mais à chaque fois qu’il y avait un appareil photo, les Ramones adoptaient le ‘look Ramones’ et ils regardaient droit devant. L’air sévère. L’air sérieux. Même quand ils avaient écrit certaines des paroles les plus drôles de l’histoire du rock’n’roll. Mais bien sûr, cela faisait partie de la plaisanterie, n’est-ce pas ?
Johnny a permis aux Ramones de perdurer. Il n’a jamais fait usage de drogues (comme la plupart des autres Ramones). Après que Tommy Ramone (qui représentait la discipline au début), ait quitté le groupe, c’est à Johnny qu’il incombait de maîtriser Joey et Dee Dee. Du moins, c’est ainsi que Johnny le voyait. Il n’est pas facile d’être le boss. C’est une chose difficile que de forcer les autres gens à accepter votre point de vue afin de faire avancer les choses. Il est beaucoup plus facile de rester en retrait et de laisser quelqu’un d’autre prendre les décisions difficiles.
Pour Johnny (et pour Joey), les Ramones étaient la chose la plus importante au monde. Tous les deux s’en remettaient passionnément au groupe qui leur permettait de travailler, de partir en tournée et d’enregistrer tout au long des années 1980 et 1990, même si certains critiques pensaient qu’ils auraient dû faire une pause, et même si ces deux-là se détestaient. Mais ils ne se sont pas suffisamment détestés pour que cela affecte le groupe. Ils ont toujours fait leur travail. C’était toujours les Ramones avant tout.
Je les sermonnais souvent, et j’ai demandé à Johnny : « Pourquoi vous ne faites pas comme les autres groupes qui annoncent qu’ils se séparent, que c’est leur tournée d’adieu, pour jouer à guichet fermé de partout, et qui reviennent cinq ans plus tard, et recommencent tout ? » Johnny ne voulait rien entendre de ça. Il n’aurait pas même plaisanté à ce sujet. Ni Joey d’ailleurs. Ils n’étaient pas dans les conneries showbiz quand il s’agissait des Ramones. Ils voulaient être sincères et honnêtes avec tous les fans des Ramones. Ils n’étaient pas dans le genre de stratagème dans lequel se complaisaient les Rolling Stones, Elton John, David Bowie et tant d’autres groupes de rock. Alors ils ont tourné et tourné et tourné jusqu’à la séparation du groupe et ne se sont jamais reformés après. Et c’était le lien qui unissait Johnny et Joey – même si, sur le plan personnel, ils se détestaient au point de ne plus se parler. Le groupe était plus important que les conneries personnelles entre eux. Les Ramones était ce qui comptait le plus pour eux.
La chose ironique, c’est que leur destin ne les laissera pas se réunir après leur ‘tournée d’adieu’. Le cancer a emporté Joey en 2001, les drogues ont pris Dee Dee (ou vice versa) en 2002, puis le cancer, encore une fois, a emporté Johnny. La promesse de Johnny disant que les Ramones ne se remettraient jamais ensemble s’est tristement confirmée.
Alors, oui, autant que vous ou moi pouvions aimer les Ramones, Johnny et Joey les aimaient davantage qu’aucun d’entre nous pourrait même le comprendre. Ils voulaient que l’héritage des Ramones reste pur. Et bien sûr, les autres d’entre nous aiment les Ramones. Johnny, Joey et Dee Dee nous manquent beaucoup. Et nous aurions souhaité les revoir ensemble, juste une dernière fois.
Mais le destin en a décidé autrement et, ironie du sort, il s’en est allé avec Johnny.
– John Holmstrom