QUE LA FARCE SOIT AVEC VOUS – paroles 2005-2011
JELLO BIAFRA
par Sylvain Nicolino, OBSCÜRE MAGAZINE n°10, juillet/Août 2012
JELLO BIAFRA
Que la Farce soit avec vous
(Rytrut Éditions)
PAROLES PUNK
« Mesdames et messieurs, il avale sa langue ! La présentatrice applaudit. Frénésie du public dans le studio. » (Lard, Generation Execute, 1997)
Voilà enfin l’anthologie des textes de Jello Biafra traduits en français. Plus de 300 pages de chansons dans une vingtaine d’albums, les Dead Kennedys, Lard, No Means No, les Melvins ou la Guantanamo School of Medicine… Une somme prodigieuse est offerte ici, regroupant les paroles écrites de 1978 à 2011, y compris quelques titres joués en live. Les notes détaillent avec justesse le contexte politique et les références culturelles nécessaires pour appréhender pleinement chaque chanson. Ce livre noir est l’essence américaine d’un esprit punk-rock, au mélange de cynisme (le rire du chien), de sarcasme (qui déchire) et de révolte (ou comment rouler en arrière).
Mais pas seulement : Jello Biafra choisissant dès le départ d’inscrire sa vie dans le « Ici et Maintenant », ses textes culbutent une certaine réalité américaine. Plus de trente ans reflétés dans un miroir poétique, pas si déformant que ça malgré le plaisir de la caricature.
C’est que l’écriture de Biafra (proche en cela de Burroughs) sample les publicités, les discours officiels, les slogans télévisés, les séries. C’est l’Amérique attaquée par un Américain qui l’aime plus que tout. Guerre froide, Jimmy Carter, Pol Pot, le Bluetooth, le soldat Ryan, Bob Dole et le Viagra : tous sont méchamment croqués et renvoyés à leurs responsabilités.
Mieux encore : 177 illustrations créées spécialement pour chaque texte aèrent le gros volume (416 pages au final !). La crème des illustrateurs contemporains fait basculer ce recueil vers une sorte de Canard déchaîné punk. Cerise sur le gâteau, une BD de vingt-deux pages signée Jean Bourguignon explose les a-priori sur l’écologie, l’art, le public, les relations économiques outre-Atlantique, la cupidité, les multinationales, le bi-partisme de façade. Tout est adroitement percuté. Un sans faute.