Rytrut éditions, interview par Buanax, Slime Zine n°4, janvier 2012
Interview de Rytrut éditions par Buanax
Slime Zine n°4, janvier 2012
Ça a débuté par quelques échanges de mails, puis des commandes de livres. Depuis que je corresponds avec Thierry aka Ladzi Galaï ou encore Cripure, l’évidence de lui proposer une interview s’est imposée d’elle-même, surtout que cet activiste de la première heure a un paquet de choses à raconter et n’a pas sa langue dans sa poche…
Buanax : Qui es-tu ? D’où viens-tu ? Que peux-tu nous dire sur ton enfance et ton adolescence?
Ladzi : Le mec normal qui a passé son enfance dans le quartier d’une ville de l’agglomération grenobloise tout prêt des collines et a commencé la musique à sept ans en étudiant le piano, puis la trompette, et peu après s’est mis à la basse avant de jouer dans un groupe.
Buanax : Parle nous de tes premiers frissons avec le Punk et avec la musique en générale. Quels sont les concerts qui t’ont marqué à vif ?
Ladzi : A dix ans, sans compter la musique classique que j’étudiais à l’école, j’écoutais les cassettes de mes parents, dont Bob Dylan, Marie La orêt, Rika Zaraï, Fernand Raynaud. A douze ans, mes cousins m’ont fait découvrir le rock, les Stones, Led Zeppelin, Aerosmith, Deep Purple, et donné l’album reprises de Bowie, Pinups et On the Level de Status Quo. J’ai beaucoup écouté ces derniers gamin, ce qui ne veut pas dire que je suis spécialement fan de tout ce qu’ils ont fait. Puis le punk est arrivé. Les deux premiers disques que je me suis offert en 1977 sont l’album des Pistols et une compil des Stones avec mon morceau préféré d’alors, Come On. Au même moment, une tante m’a offert un disque d’Elvis Presley, mais j’ai pas accroché ; plus tard c’est Eddie Cochran qui m’accrochera dans le genre, vraiment original dans le contexte de l’époque. Ont suivi les Clash, Blondie, Generation X, et toutes les découvertes que je pouvais me payer avec mon argent de poche, avec trente francs, ça faisait un disque par mois. J’écoutais aussi du hard rock mais me suis encore plus transcendé dans divers trucs post-punk que les médias se mettaient généralement à nous présenter comme de la new wave en affirmant que le punk était mort. J’écoutais beaucoup de punk anglais, Ruts, les Slits, et plus tard du hardcore, mais aussi Tubway Army, Siouxsie, Adam and the Ants… Crass l’avait déjà chanté mais Exploited affirmait le contraire. Les médias de l’époque ne l’ont fait croire qu’à tous ceux qui n’y croyaient pas, soit la majorité. Des voisins écossais ont eu la visite de leur nièce de treize ans, qui connaissait Wati, elle avait un look punk comme on ne voyait pas ici. Joan est resté plusieurs jours, je lui ai échangé le premier album des Damned contre des singles, elle l’écoutait à fond au casque. Dans mon quartier, beaucoup écoutait de la disco, ou du rock classique, le punk n’a pas trop pris, c’était toujours une minorité, comme partout dans le pays, j’imagine. Mon meilleur pote voisin était plus dans la zique progressive et psychédélique. Chez moi, il écoutait du punk, comme les autres potes qui venaient à l’appart, et chez lui j’écoutais Pink Floyd, Higelin, Thiéfaine. Je suis devenu boulimique de zique, ce qui veut dire que la thune de mes premiers boulots passait en disques et en concerts. Commencé a en bouffer à quinze ans, le premier c’était Scorpions en 1979, et la batterie qui montait sous un nuage de fumée, avec Mistral en ouverture. Bien sûr ensuite y en a plein qui m’ont impressionnés, mais celui où j’ai littéralement eu des frissons à fleur de peau c’était HR au Glob à Lyon, en 1989 je crois. Ce qui se passe quand vous avez la force de l’authenticité devant vous qui vous transmet son énergie en profondeur, avec leur reggae dada teinté de métal. Ce n’est pas forcément le genre qui fait la force, la sincérité est primordiale, et l’originalité est toujours un plus. C’est pourquoi j’ai évolué en écoutant beaucoup de trucs et de genres différents, du rock des sixties à l’électro, en passant par l’expérimentale. Un concert comme celui de Neptune à l’ancien squat Crocoleus, en 2004, la saison ou je faisais partie du taf, leur ai même fait la lumière, compte parmi les choses extraordinaires qu’il nous ait été donné de voir. Hormis leur musique très personnelle, ils avaient eux-mêmes fabriqué leurs guitares dans du métal brut, c’était futuriste et préhistorique en même temps ! L’avant dernier concert de Nirvana était époustouflant de force et d’émotion combinées, le son monstrueusement bon et je n’avais jamais vu un jeu de lumières aussi sophistiqué à un concert, de plus, y avait les Buzzcocks en ouverture. La musique est un domaine tellement vaste qu’on peut facilement s’y perdre. Et tous les genres ont leurs pépites, et y en a un max. Il est impossible de faire de l’élitisme en disant qu’il y a un groupe qui dépasse tous les autres, sinon c’est de l’idolâtrie, et ça reste une question de sensibilité personnelle et non de dictat médiatique. Prime bon point aux diverses scènes ou groupes post-punk dont beaucoup de disques sont plutôt restés dans l’ombre au moment de leur sortie, et qu’on a pu enfin découvrir grâce au Net. C’est une mine, pas d’or, mais d’engrais et de purin. Et mondiale en plus ! Les frontières morales sont tombées. On ne parle pas du lot de moutons réactionnaires qui ont toujours existés, qui seront toujours là pour imposer leur point de vue, scléroser une société, et engendrer leur suite de rebelote et de régressions. Le Net a aussi permit de découvrir les disques des plus improbables des générations précédentes. Bien sur je suis un accro du punk, principalement pour son aspect original et créatif, mais ce style ne s’est pas fait tout seul, alors les connections, influences et connivences des genres et des cultures sont extrêmement intéressantes. Tout comme celles du cinéma sur la musique et vice-versa. Aussi j’ai jamais cessé d’écouter des nouveaux trucs, et c’est un réel plaisir de découvrir tout ce qui était inaccessible alors.
Buanax : Vers quelle période as-tu formé ton premier groupe ? Quels étaient les endroits où jouer ? A quoi ressemblait le public en France ?
Ladzi : En 1982, après un an de pratique de la basse en apprenant à jouer sur des titres comme Jah War, Nice and Sleasy, Stop That Girl, Whips and Furs, qui me viennent à l’esprit. Je m’entraînais aussi à enregistrer ma voix sur cassette par dessus des titres des Ramones et d’autres, le truc basique. Mon premier groupe, Ambassade, n’a fait qu’un concert en 1983 à La Taverne, à Grenoble, avant que le guitariste ne parte au service militaire. On faisait quelques reprises et nos premières compos. Y avait des titres des Jam, Undertones, Chords, même Cure, le batteur, un mod, ne voulait pas faire de reprise des Clash, alors qu’on était fans avec ma cousine qui était au chant, mais on a fait le titre tueur D’asphalt Jungle, Poly Magoo, en concert. J’ai aussi joué la basse avec un second groupe, Screamin’ Dolls, de Lyon et Vienne, du punkabilly, ils avaient déjà des compos, mais on a fait que deux concerts car le chanteur est aussi parti faire l’armée. J’ai eu ensuite d’autres expériences de groupes éphémères avant de commencer les délires solo ou formations minimales avec qui on sortait en cassettes les démos, comme Cripure S.A., Dirty Husbands ou Hermaphrodisiak, puis à nouveau en groupe pour la scène en 1989 avec No No No, puis Ultime Atome en 1994. Et retour aux enregistrements cette fois sur 8-pistes. A Grenoble il y avait La Taverne, la Zone Interdite, l’Entrepôt, le Magique et le 102 à l’époque. Je fais plus de zik depuis 2006, avec Glop ! l’édition à pris le dessus, mais j’ai bien envie de transcrire en mp3 des trucs qui en valent la peine. Dommage car y a trois albums pas terminés jamais sortis. Si je crève pas avant de m’y remettre… Le public en France ? ça doit dépendre des régions et des mentalités, il me semble pas qui fut bien différent de ce qu’il sera, en tout cas il m’arrivait de pogoter plus jeune, mais pas du genre sauvage. J’ai eu qu’un seul perfecto dans ma vie, j’avais commencé à le peintre dans le dos en faisant mon propre insigne, mais on me l’a volé dans un coffre de voiture en 1984. On avait laissé toutes nos vestes dans le coffre pendant un concert de Killing Joke au Rail Théatre – jamais racheté un autre. Peu après un ami de Lyon m’a dit avoir vu un mec dans la rue qui avait le même insigne que moi. Putain, le mec, il se la pétait avec son perfecto volé avec un tag mystérieux au dos ! J’ai plutôt abandonné les looks, sauf pour la scène. J’adore l’originalité vestimentaire, et tout ce qui affiche une non-conformité, mais personnellement, la discrétion me convient mieux, même si on a l’air conforme vu de l’extérieur – Ce concert est l’un des plus fort niveau volume que j’ai vu à l’époque. Je n’ai jamais compris la politique de sonorisation qui consiste à exploser les oreilles de l’auditeur. Par exemple un concert qui commence à un volume convenable et qui monte en puissance au fur et à mesure, comme si le public avait besoin de ça pour se tenir en haleine. Alors que ça n’altère en rien à la qualité de ce qui nous ait présenté. J’ai vu pas mal de concerts gâchés à cause de ça. Les bons concerts ça marque, mais les disques chiadés en studio sont impérissables.
Buanax : Tu as participé à plusieurs fanzines graphiques. Qu’est-ce qui t’as attiré dans cette forme d’expression ?
Ladzi : L’aspect visuel m’a d’abord interpellé avec les pochettes de disques, et celles qui avaient des originalités par rapport au standard, c’était tripant. J’aimais bien dessiner et je l’ai fait un peu à une période mais contrairement à un certain nombre de punks, je ne suis pas passé par les Beaux-Arts. J’étais pas super doué, plutôt un touche à tout, comme pour la zique, j’ai jamais pu me spécialiser pour devenir professionnel, l’aspect amateur et l’accessibilité à tout le monde induit dans le punk donnait tout l’intérêt à la créativité. J’avais acheté le bouquin La Gloire des Bazooka, de Jean Seisser, et leur travail m’a introduit à la dualité des arts, pour la trialité avec le cinéma, l’intérêt m’est venu plus tard, mais reste à mon avis indissociable. Tout ce qui fait appel à l’imaginaire est une forme de lutte pour l’émancipation de la race humaine. J’ai participé à un zine de zique, d’abord appélé Inquiédude, y a eu plusieurs numéros entre 1983 et 85. J’ai une petite collection de fanzines de cette période, j’étais notamment abonné à On est pas des Sauvages. Puis réalisé deux graphzines avec plein d’invités, Disco Totem et Le Foligraph, en 1988, en parallèle à des compil à thèmes qu’on sortait avec le tape label R.R.Products.
Buanax : Comment décrirais-tu les éditions Rytrut ? Selon toi, qu’est-ce qui les différencie d’une maison d’édition classique ?
Ladzi : Je suis parti de rien, à part un peu d’expérience et de curiosité, n’étais pas déjà dans le milieu de l’édition, ni dans aucun milieu d’ailleurs. Comme l’a dit à sa manière Craig O’Hara, le punk s’est débarrassé de la contrainte d’identification à une classe sociale particulière, pour valoriser l’individualité et l’authenticité. On veut être libre de faire ce qu’il nous plaît, avec les moyens qui nous sont donnés ou qu’on arrive à obtenir bien sûr. Rytrut reste une association à but non lucratif, ce n’est pas une entreprise, mais on y entreprend beaucoup pourtant… dilemme. Les auteurs traduits touchent leurs droits, dans la mesure ou le livre se vend assez pour le permettre, le premier objectif de rembourser les frais et le coût de l’impression étant atteint. Mais le principe d’une édition professionnelle de payer des royalties à l’avance à signature du contrat est le même, pour des bouquins en cours que nous avons signés. Les associés à nos projets sont des passionnés, l’idéal serait au moins d’en vivre, « Il n’y a pas de sots métiers, il n’y a que des sots tout court ». En tout cas on n’est pas un bizness qui traite ses sujets superficiellement pour faire du pognon avant tout. Mais le plus important reste d’avoir les moyens de les éditer (sinon pourquoi « ducon » il se décarcasse).
Buanax : Peux tu nous faire une présentation rapide de chacune de tes parutions ?
Ladzi : Moi Shithead : A travers celle de D.O.A. et de ses engagements, Joey Keithely, un pionnier du genre, offre un aperçu de l’histoire du punk rock canadien, se lit comme un roman plein de péripéties, non dénué d’humour ; Double personnalité, l’histoire de P!nk de Paul Lester : l’incroyable aventure d’une rebelle talentueuse d’origine modeste devenue star internationale, très influente sur l’évolution de la pop de la dernière décennie ; Going Underground : L’excellente seconde édition revisitée par George Hurchalla, un must sur l’histoire du punk, du hardcore et du rock indé. Chansons d’amour de Crass : Les paroles traduites de ce groupe et collectif anarcho-punk, des thèmes de société qui restent plus que jamais d’actualité. Ironique le titre ? Pas tant que ça ; La Philosophie du punk de Craig O’Hara : le mémoire de sociologie devenu un livre qui remet des pendules à l’heure ; Trespassers W – L’intégrale de Cor Gout : les paroles illustrées de ce groupe néerlandais légendaire d’influence dadaïste, rock, punk, jazz, expérimentale, avant-garde, multiple.
Buanax : La démarche est courageuse. L’investissement personnel et financier est de taille. Je ne peux pas m’empêcher de comparer avec la musique et particulièrement avec la sortie d’un disque qui me semble beaucoup plus simple. Par quel bout t’y es tu pris ? Avais-tu des connaissances, de bons conseillers ? Quelles difficultés as-tu rencontrées ?
Ladzi : Merci du compliment. En 2001, j’ai tout d’abord proposé la philo du punk à l’ACL qui était intéressé. Quand la traduction était prête, et comme j’étais sans emploi – je faisais de la zique mais ça ne nourrissait pas son homme – j’ai décidé de l’autoéditer, et pris le nom de l’asso Rythm & Rut en le réduisant. Etant sans un rond, sans un seul rond, j’ai soumis le manuscrit au Centre National du Livre pour une demande de subvention. Celle-ci à été accordée sous forme d’aide remboursable. Comme ça faisait environ un quart du budget, j’ai profité d’une proposition d’emprunt bancaire, et y avait le compte pour l’impression. Et le reste s’apprend sur le tas, comme trouver un imprimeur de qualité et digne de confiance. Pour les deux premiers livres j’ai fait appel à des infographistes, pour ensuite me mettre à la PAO, parce que j’aime ça et que nous tournons à budget serré.
Buanax : Pour prendre un exemple personnel, sur notre stand, la grande majorité du publique achète des disques. Les livres et les fanzines (souvent feuilletés d’ailleurs) ont beaucoup moins la côte. J’ai le sentiment que la valeur accordée à l’objet papier n’est pas la même que pour un vinyle par exemple et je ne parle pas forcément d’une valeur marchande… Quel est ton sentiment là-dessus ?
Ladzi : L’explosion du Net, malgré tous ses avantages a certainement nui au support papier. La génération d’avant dont je fais partie achetait plus facilement des zines et des bouquins. Je ne suis connecté que depuis 2003 et c’est tout un fonctionnement qu’il a fallu adapter. C’est d’ailleurs épatant que le disque n’ait pas été complètement anéanti, grâce aux résistants ! J’étais moi-même friand de galettes, mais pour ça aussi faut avoir du budget et j’ai choisi de tout mettre dans notre édition, je suis donc devenu un faible consommateur. Et avec la vie qui ne cesse d’augmenter, comme le fossé entre les escrocs et escroqués, il y a des priorités qui passent avant. Beaucoup préfèrent collectionner des disques mais les livres sur la musique sont des compléments qui approfondissent la compréhension du sujet. Par exemple, on peut écouter un disque anglophone sans comprendre l’anglais, la voix étant un instrument, tout comme un disque en suédois, on aura le frisson, et toutes les langues sont intéressantes par leur sonorité, mais dans mon cas, ne connaissant que l’anglais, c’est donc les sujets dans cette langue que j’ai choisi. En plus j’ai une culture musicale largement anglophone, pas uniquement, loin de là, plutôt internationale même, mais on ne peut pas tout être. Donc mon travail consiste à partager ma passion, et au-delà de l’aspect bizness, cet aspect qui en contraint beaucoup en entrer dans des délires paranoïaques. Si le livre se vend mois que le disque, y a aussi le fait qu’un livre ne se lit qu’une fois, ou deux, c’est mieux si on veut éviter de dire des conneries, alors que le disque peut s’écouter jusqu’à plus soif. Mais ce qui compte c’est que le livre intéresse, peu importe que ce ne soit pas un best seller, même a petite échelle, toute sa valeur est dans le fait qu’il existe, qu’il ait capturé l’histoire, qu’il touche des gens.
Buanax : On peut trouver tes livres dans des librairies, des magasins de disques, des lieux autogérés, des distros et bien évidement en ligne … Combien de temps t’as-t-il fallu pour mettre en place un tel réseau ? Le circuit de distribution traditionnel est-il vital pour toi ? Ton site est-il bien visité ?
Ladzi : J’avais pas mal de contacts depuis l’époque des zines, du label de cassettes, du mail-art, mais avec le Net, fini les lettres, ou si peu, fonctionnement différent. Ça s’est fait petit à petit. Au début j’ai acheté des annuaires de contacts liés a l’édition et à la musique, puis mes carnets d’adresses email ont grossis avec les mailings, mais en 2005, mon ordi avait planté, n’ayant pas sauvegardé mon carnet d’adresse, il m’a fallu recommencé. Beaucoup n’ont plus du recevoir de nos nouvelles. Les mailings, c’est vraiment la péripatéticienne du Net. Y en a qui en font jusqu’à l’obsession ; ça me gène pas de recevoir des tonnes d’infos, même si on ne peut que les survoler pour beaucoup, y a quand même une richesse d’information incroyable. Perso je n’en fais généralement plus que pour la sortie d’un livre. En 2004/2005, j’en faisais pour les concerts du Crocoléus. Le squat a été détruit en 2006, mais je reçois encore des demandes du monde entier pour des concerts, auxquelles j’ai souvent répondu qu’on s’occupait plus que d’édition et parfois transmis les demandes à d’autres. Mais y en eu trop, j’ai plus pu, donc tolérance de tout ceux à qui je ne réponds pas à ce sujet. Pour chercher des concerts inscrivez-vous à planconcert.com, c’est mon acolyte Cyrille Lannez qui l’a crée, tout comme le site de Rytrut. C’est un bon batteur et un comparse musical par ailleurs. Actuellement, il joue de la guitare dans With a Defect. Pour revenir à nos moutons, tous les moyens de distribution sont bons, on ne fait pas de ségrégation éthylique. On fonctionne avec la conviction que le commun des mortels n’est pas un imbécile incurable. Et notre culture mérite d’être diffusée le plus largement possible, non aux ghettos, aux sectes, aux nouveaux fachos, aussi alternatifs soient-ils. Circuit traditionnel et circuit parallèle main dans la main contre la suprématie abrutissante ! Notre site a un certain nombre de visites, voir le compteur, que je check rarement, s’il y avait autant de commandes que de visites, ce serait cool, mais il a aussi un contenu, qui reflète en partie notre travail.
Buanax : Comment c’est passé le contact avec les auteurs que tu as publié (Craig O’Hara, George Hurchalla, Steve Ignorant, Joey Shithead…) ? Quelles relations entretiens-tu avec eux ? Parle nous des ces rencontres et de tes choix de traduire tel ou tel livre ?
Ladzi : En 1996, alors à Londres pour une période indéterminée, j’avais lu une chroniques de la première édition de The Philosphy of Punk dans un journal. L’avais commandé dans une librairie mais il n’était pas encore arrivé quand je suis finalement revenu en France. Et c’est en 2001 que je tombe dessus au local du Bokal à Bourg. Dès les premiers chapitres j’ai eu le déclic de le traduire et j’ai contacté Craig O’Hara. On a eu un très bon contact et ce jusqu’aujourd’hui. C’est encore le bouquin de Rytrut qui se vend le plus. C’est donc une cause qui porte ses fruits. Soit la diffusion de notre culture qui reste très marginale dans sa profondeur, malgré les apparences. Craig à même plusieurs fois accepté de recevoir ses droits d’auteurs longtemps après les dates de bilan, afin de nous permettre d’avoir le budget pour les livres suivants. C’est aussi lui qui m’a conseillé Going Underground. J’avais lu American Harcore, même si j’ai apprécié la foule d’infos qu’il contient, la certaine complaisance de l’auteur par rapport à la violence du public apparaissant dans le hardcore à une période m’avait rebuté. Craig était d’accord avec moi sur ce point. Même si ce livre est intéressant par sa mine d’infos, Going Underground m’a plus botté, je l’ai trouvé plus profond. J’ai alors contacté George Hurchalla, et on a aussi eu un très bon échange. Avant y a eu les paroles de Crass, pour lequel j’ai écrit à Penny Rimbaud. J’ai vu une fois Steve Ignorant avec Schwartzeneggar, à Dijon en août ’91, lui ai fait un blague avec un tee-shirt marrant que je portait, ça l’a fait rire et il sont allées sur scène. Il faisait tellement chaud qu’à un moment il est tombé dans les pommes, mais c’était un bon concert. Donc Penny m’a mis en contact avec Pomona, car l’éditeur préparait Love Songs en Angleterre. C’est pour cela qu’on à dealer avec l’éditeur et utilisé leur mise en page avec l’ordre des paroles choisi. J’ai donc correspondu avec Penny par courrier, il avait abandonné le net, suite à l’afflux de courriel. Il avait écrit la plus grosse partie des paroles du groupe et a gentiment répondu à mes questions concernant le texte. Il m’a aussi fallu contacter Annie-Claude Lemeur car elle avait déjà traduit deux albums du groupe, ça datait, on y a un peu retravaillé. D’ailleurs, ayant perdu sa trace, si quelqu’un à ses coordonnées actuelles, je suis preneur. Puis les paroles traduites de Trespassers W, était un choix risqué car ce groupe indéfinissable au sens strict du terme a un public international, mais un faible public français. Cor Gout est un ami depuis 1987, quand il nous avait envoyé un titre pour une compil cassette. Je suis depuis allé plusieurs fois aux Pays-Bas, mais y allais déjà dans l’enfance car ma mère parle le néerlandais et nous y avions comme une seconde famille. J’ai donc une certaine affinité avec ce pays, et Trespassers W compte parmi les groupes les plus intéressants de son histoire musicale. Joey Keithely est un mec super. J’avais lu son livre en anglais, et c’est Raf de Limoges Punx et Attentat Sonore qui a proposé qu’on le fasse en français. J’avais vu D.O.A. en 1985, au concert à Grenoble qui est mentionné dans le livre, puis en 2009 au concert à Valence au Mistral Palace, dont le flyer apparaît dans son second livre récemment sorti Talk–Action = O, An Illustrated History of D.O.A. Superbe bouquin tout en couleur, avec aussi du texte, que les anglophiles peuvent commander chez Asenal Pulp Press au Canada. On avait déjà eu un échange de mails, et Joey a gentiment répondu à nos questions, j’ai pu le rencontrer en chair et en os à ce concert. Vraiment LE mec, franc, direct et sympa ; pas de faux-fuyants à la française.
Buanax : Going Underground avait été sélectionné pour le prix du livre rock 2010, quel souvenir gardes-tu de cette d’expérience ?
Ladzi : Ecoute, ça fait plaisir, faudrait-il s’en plaindre ? C’est valorisant que ton travail soit apprécié à sa juste valeur. L’instigateur de ce concours, Jean-Baptiste Almeras, de la librairie l’Arbre à Lettres avait commandé un exemplaire pour lui. Il a adoré et m’a proposé d’envoyer quatorze exemplaires pour le jury du concours. George Hurchalla en a été très content et m’a dit que son livre avait une plus grande reconnaissance en France qu’aux Etats-Unis – bien qu’il en ait beaucoup plus vendu et qu’il y ait eu beaucoup plus de critiques élogieuses dans son pays, où la troisième édition est épuisée. L’anglais s’exporte plus largement que le français, naturellement. Going Underground a donc compté parmi les dix ouvrages de la sélection du concours. C’est un livre sur les Beatles qu’il a emporté le prix. Il l’a certainement mérité, mais rien de neuf à l’Est ? En plus de l’intérêt de toutes ces anecdotes croustillantes sur la scène, de la superbe mise en page, et de son prix, justement hors concours quand à lui, Going Underground fait aussi apparaître des dizaines et des dizaines de groupes occultés jusqu’alors, ce qui en fait tout l’intérêt. On en vendu environ cinq cents, pas encore assez pour amortir le coût de l’impression. On connaissait la France molle, on la sait dégoulinante. Mais on a quand même eu de supers échos. Faut dire qu’un certain nombre de personnes l’avait déjà lu en anglais – surtout la première édition semble-il, Hurchalla a fait pas mal de modifs sur la seconde – mais en français on peut avoir des surprises sur la consistance du contenu, et en prime on s’est farci le mou à donner des traductions de toutes les citations et titres de chansons dont il question.
Buanax : Juste avant Moi, Shithead… tu as sorti Double Personnalité une bio sur la chanteuse Pink. J’imagine que la préparation est un peu différente et que le public visé n’est pas vraiment le même que pour les bouquins précédents. D’ou vient ce choix ? Comment le livre a-t-il été reçu ? T’es-tu attiré les foudres moralisatrices d’une partie du circuit DIY ?
Ladzi : Je l’ai fait exprès pour emmerder le lot de crétins sectaires qui ont envahis l’underground ces dernières années, si c’est pas punk, ça ! De toute façon, y en a qui ne seront jamais content quoi que tu fasses. Oui, j’ai accepté la proposition du P!nk par Omnibus Press pour me faire plein de fric et pour faire chier les branleurs qui se disent DIY, mais qui financent leur trucs avec la thune de l’Etat, de leur patron. Je ne trouve pas plus malhonnête d’essayer de vivre de son activité que d’être contraint à faire un boulot qui de toute façon ne me laisserait pas le temps nécessaire à cette activité indépendante. Mais ça n’a pas marché, les médias grand public n’en ont pas parlé. C’est pas eux qui ont fait ma culture musicale, de toute façon. C’est le propre de chaque être libre. Non, sans déconner, c’est une copine punk autrichienne qui m’a fait écouter P!nk la première fois, en 2005, j’avais trouvé ça pas mal même avec l’aspect commercial, et ensuite elle a fait des trucs qui tuent bien et elle touche au cœur les gens qui la comprennent. Missundazstood ? Pas pour tout le monde. Je n’ai pas signé le bouquin avant de l’avoir commandé et parcouru le propos de l’auteur pour voir l’état d’esprit. Y a qu’un truc qui me dérangeait, c’est l’apparition comparative systématique de ses tubes dans les hit-parades, ça crée des parenthèses moins intéressantes, mais d’un autre côté ça justifie le propos. D’après les échos que j’en ai eu, les vrais fans de P!nk ont adoré le bouquin et le travail qu’on a fait. Y en a même qui ont dit que leurs parents étaient surpris de les voir lire. Si c’est pas positif ça. Et en plus, si on peut amener un autre public à écouter autre chose que de la pop commerciale, la démarche n’est pas vaine. Le mec d’un blog de fans de P!nk français m’a dit qu’elle n’était pas si populaire que ça en France – à mon avis la barrière de la langue fait une fois de plus des siennes alors les approximations vont bon train – et que quand les médias d’ici en parlaient c’était généralement pour se foutre de sa gueule, la considérant comme une midinette pop de plus sur l’échiquier. Ça témoigne bien d’une certaine mentalité élitiste qui a court dans certains médias. Car P!nk est différente de la plupart des starlettes préfabriquées de la pop, elle est authentique et sa musique, quand on a écouté tout ce qu’elle a fait est très rock, c’est une punk d’esprit, c’est une femme libre qui ne s’est pas laissé imposer ce qu’on voulait faire d’elle dans les hautes sphères du marché de la musique. En travaillant sur la bio du journaliste Paul Lester, j’ai décrypté son travail en profondeur, musique, paroles, vidéo clips qui ne manquent pas de piment, et vu les films où elle est apparue. C’est une artiste complète et unique en son genre, vraiment intéressante. Elle a des choses à dire et elle est attachante. Je suis désolé pour les mauvais esprits superficiels, mais P!nk en vaut la chandelle. Ce n’est pas du tout déplacé de l’avoir intégrée à notre catalogue. Alors les foudres moralisatrices on s’en bas les couilles, surtout de la part d’abrutis, ça ne nous atteint pas. Mais je vais pas être aussi con qu’eux, s’il existent, je dirais ce que je pense, sans me baser sur les apparences et ne me laisserais pas pourrir par la bêtise humaine. Ça fait longtemps que l’homme se bat pour son évolution, mais la dé-évolution agit toujours en contre-courant. D’autres avaient déjà intégré cette notion, et non, ce n’est pas nouveau, bande de larves. S’ils croient que c’est en se cantonnant dans leurs stéréotypes qu’il vont changer le monde. Je ne suis d’aucune caste, je parle de choses qui me passionne et ne suis pour aucune forme de ségrégation. Le personnage de Jil, dans le film de 2004 d’Enki Bilal, Immortal, ad vitam, une mutante à la peau blanche et aux cheveux bleus, fait étrangement penser au personnage de P!nk sur son single de 2001, There You go, sauf qu’ici, la mutante à la peau bleue et les cheveux roses. Et à un moment dans le film, il est fait allusion à la double personnalité de Jil, « Split Personnality » comme le titre d’une autre chanson de P!nk. Même si le film est l’adaptation d’une BD de 1980 de Bilal, je ne peux pas m’empêcher de faire des liens entre le cinéma et la musique.
Buanax : Plus tu fais de choses, et plus tu es exposé aux critiques, c’est la loi des grands nombres ! Quels est ta réaction en général face aux critiques, bonnes ou moins bonnes ?
Ladzi : Y a des chances car différents critères entrent en jeu. Les bonnes critiques sont plutôt encourageantes, témoignent d’une reconnaissance de notre travail et permettront de mieux le diffuser. Les mauvaises peuvent te permettre de te remettre en question, si tu ne prétends pas détenir la science infuse, et qu’elles ne sont pas fondées sur des inepties. Ce qui a quelque fois été le cas, et cela peut te mettre en rogne et tu peux sentir comme une injustice. « There’s No Justice in Life » comme le chantait Snakefinger. Et c’est normal qu’il y en ait, c’est le coup classique, tout le monde n’est pas fait de la même veine. C’est ce qui fait la diversité. Il n’y a pas de vie supérieure par rapport à une autre, ce n’est qu’un concept bourgeois lié au capital. Et l’argent n’est utile que quand il sert, en plus de nourrir, à créer ; et même à consommer, bé ! Je suis toujours parti du principe qu’il vaut mieux plaire à dix personnes intéressantes qu’à dix mille abrutis. Quoi qu’il en soit, je pense qu’on fait du bon boulot, au mieux de nos capacités. Autodidacte sur bien des points, même si je ne suis pas un super génie, j’y crois et suis fier de faire ce que je fais, n’en déplaise.
Buanax : Pour toi, l’édition de livres indépendants c’est la continuité du fanzinat ? Je vais te poser la même question que j’avais poser à George Hurchalla : considères-tu qu’a l’heure actuelle, les fanzines papiers ont encore un réel intérêt ?
Ladzi : Oui, en ce qui me concerne, mais c’est arrivé comme ça, je ne l’avais pas prémédité. J’avais fait un peu de fanzinat mais pas tant que ça, faisant beaucoup de musique. On ne peut pas tout faire. C’est déjà pas toujours évident de s’en tenir aux choses essentielles qu’on a choisies. Je suis toujours curieux de tomber sur des chouettes zines, des graphzines délirants, la bébé haute en couleurs, mais je n’ai souvent pas les moyens de me les offrir. De sacrifice en sacrifice l’oiseau fait son nid dans un arbre aux feuilles de sable. Mais le fanzine a autant d’intérêt qu’un magazine, chacun avec ses politiques différentes, c’est au lecteur de prendre ce qui l’intéresse, même si la diffusion est moindre qu’avant le Net et qu’elle est certainement plus locale. Ce n’est peut-être pas un investissement pas rentable, mais c’est une œuvre de passionnés.
Buanax : Tu fais allusion au dadaïsme dans ta page de présentation, un mouvement qui a été associé au punk dans les années 70 comme d’autres courants de pensée (anarchisme, nihilisme, situationnisme…) Beaucoup de monde rejette ce côté intellectuel voir engagé du punk privilégiant avant tout la musique. Un vieux débat qui n’en finira jamais ! J’ai bien aimé la façon dont O’Hara à résumé ça : Il y a le look, les idées et la musique et chaque personne pioche plus ou moins dans chacune de ses boites et se fait sa propre interprétation. Quelle idée te fais-tu du punk maintenant avec ton expérience ?
Ladzi : J’avais fait ce rapprochement en lisant un livre sur Raoul Hausmann. Il est évident que ses collages des années 1920 ont eu une influence directe sur l’imagerie punk. Et les écrit de Tristan Tzara par exemple ne sont pas même dépassés et expriment certainement une intemporalité de la condition humaine. Un certains nombre de punks était passé par les Beaux-Arts, ou alors avaient une sensibilité et un regard sur le monde inhérent à une certaine forme d’indépendance. Encore une fois, ce mouvement qui prétendait tout détruire du passé pour créer quelque chose de totalement nouveau – un truc naturel de jeunesse, je n’étais pas encore né, je suis d’un autre temps, qui entraîne à faire de l’âgisme – a puisé son inspiration dans l’art des générations précédentes, pour faire quelque chose de nouveau. C’est comme ça que le rock’n’roll des années 1950 a évolué pour donner jusqu’aujourd’hui toute cette créativité. La musique est un art, et l’art peut tout exprimer. Il peut être simplement figuratif ou socialement engagé. Y a que les bourrins que l’aspect intellectuel doit déranger. C’est plus facile de ne pas réfléchir. D’un autre côté y a aussi ceux qui a l’extrême s’écoutent parler et se fond un lavage de cerveau ! Mais un bourrin peut aussi être créatif et ne pas se contenter d’essayer uniquement de reproduire ce qu’il a entendu. Le punk n’a pas simplement marqué son époque – a un certain niveau et certainement pas dans toutes les sphères, sinon ça se serait vu – pour tomber dans les oubliettes, c’est une essence qui s’est infiltré dans la musique moderne, un virus pour les conservateurs, qui continue son influence même sans forcément qu’il y ait une conscience de celle-ci. Hé, l’âge de pierre est bien loin, et notre condition a évoluée, mais sans vouloir faire de l’élitisme, comment se fait-il que la misère, la médiocrité, l’avidité, la jalousie, et j’en passe de tribulations, ne soient pas des choses qui ait été résolues avec le temps ? Rien que le titre de la compil des Saints, Prehistoric Songs, résume bien cela. L’intellectualité a aussi différent niveaux. En lisant mes propos, y en a qui vont penser que je fais de la branlette intellectuelle et d’autres que ça ne tient pas route, car ils n’ont pas la même vision des choses. Qui peut prétendre avoir raison, sans creuser un peu plus dans ce qu’il croit connaître ? Bref, le punk est mort et pas mort en même temps ! C’est une richesse culturelle qu’il est plaisant de convoiter. C’est pour ça qu’on fait des livres pour en parler, y a de la matière et elle n’est pas minime, elle est incommensurable.
Buanax : Dans tes groupes, tu avais l’habitude de chanter en français pourtant tu n’édites pour l’instant que des livres étrangers. As-tu l’intention de sortir un livre spécifique sur la scène hexagonale ?
Ladzi : Normal, c’est ma langue, et je ne suis pas d’accord sur le fait de penser que le rock chanté en français ça ne sonne pas bien. Il y a de nombreux exemples qui prouve le contraire. Toutes les langues peuvent le faire, ça sonnera juste différent, la voix est un instrument. J’écrivais aussi des paroles en anglais, quand elles me venaient en anglais. J’avais juste ajouté un texte sur mon sentiment de la scène hexagonale dans la philo du punk, mais je n’ai pas la vocation d’écrire mon propre livre à ce sujet, parce que ma culture musicale est plus anglophone, et parce que quand je faisais de la musique, j’en écoutais moins en langue française pour ne pas être influencé et faire mon propre truc. Ça n’empêche pas que j’ai aimé plein de trucs de notre pays, je ne suis pas anti-français, ni anti aucun autre pays, je ne suis pas anti tout court, car je ne suis ni facho ni sectaire, ce qui ne veut pas dire que je mange à tous les râteliers, je suis pro-tout ce qui n’empêche pas la liberté d’expression. Rytrut est tout petit, on n’est pas une usine à livres. Mais on verra comment ça évolue, si on nous propose un livre sur la scène hexagonale, on y réfléchira. C’est pas parce qu’on a fait que des sujets anglais, américains et néerlandais que c’est une ligne de conduite.
Buanax : Es-tu sollicité pour des sorties de livres originaux ?
Ladzi : Quelques fois, pour des livres pas forcément en rapport avec la musique, et comme on a ni le budget ni le personnel pour sortir plein de trucs comme une vraie maison d’édition, c’est mort. Après la philo du punk, un traducteur m’a proposé The Rough Guide to Reggae, un pavé de 480 pages sur les racines de la musique jamaïcaine. Ça m’aurait botté mais comme je démarrais c’était pas envisageable. Je l’ai re-contacté récemment, il n’avait pas encore fini, mais prévoit finalement de l’autoéditer après une quête infructueuse auprès d’autres éditeurs. Y avait aussi le petit livre Harcore Zen, de Brad Warner, mais la trad n’était pas encore au point, et j’étais pas dispo pour y participer. N’ayant plus eu de nouvelles, je sais pas si le traducteur à persévéré ou pas. Récemment a été suggéré l’idée de sortir d’autres récrits, des petits livres, certainement en lien avec la musique quand même, à voir. On ne peut pas trop s’avancer là-dessus.
Buanax : Travailles-tu toi-même sur quelque chose ?
Ladzi : Ben ouais, suis pas un glandeur merde ! Même si j’aime la distraction, surtout quand elle n’est pas uniquement ludique, en faisant des trucs actifs différents pour ne pas tomber dans la routine. Y a plusieurs projets sur le feu, d’ailleurs on arrête les frais, c’est la dèche. Je suis bien occupé pour deux ans mini rien qu’en traduction. Commencé en 2005, les paroles de Jello Biafra se sont affublées de pas mal d’illustrations depuis le projet initial. Ce sera notre second bouquin qui n’est pas une traduction d’un livre existant et il devrait être prêt pour la fin de l’automne. Et j’ai commencé à bosser sur Typical Girls?, le livre de Zoe Street Howe sur les Slits.
Buanax : Une journée typique chez Thierry ? Tu as un job à côté ?
Ladzi : Ben non, pas d’autre job, comment pourrais-je trouver le temps de travailler ? Je suis un précaire. Emploi bénévole multiple au sein de Rytrut, gérer le site, communiquer, traduire, rechercher les infos, faire les paginations, envoyer les commandes. Et faut tondre l’herbe, couper les arbres, récolter les framboises pour les confitures, faire un peu de travaux dans le local de l’asso, qui est aussi le petit chalet que je loue depuis maintenant douze ans et où je vis. Par le passé, en parallèle à la musique, j’ai fait différents jobs dans différents domaines mais je ne vais pas étaler mon Capitalisme Virulent ! C’est du lard ou du chichon ? Au lycée, j’ai fait mécanique générale, puis j’ai appris les bases de la maçonnerie, été gardien de jour, standardiste, technicien radio dans une locale ou j’avais des matinées libres de programmation, magasinier, gestionnaire de stock, fait les vendanges et suivi une formation des techniques du spectacle, c’est pour dire…
Buanax : Qu’est-ce qui tourne en ce moment chez toi ? Tu peux nous citer cinq bouquins et cinq disques qu’il serait préférable d’avoir lu et écouté avant de passer à travers la balustrade ?
Ladzi : Tellement de trucs au quotidien, que c’est difficile de n’en nommer que quelques-uns. Facile pour être catalogué rapido. Pour les cinq livres je coince, car j’ai plus trop la permission de lire autre chose que les textes sur lesquels je bosse, ça fait donc un moment que j’en ai pas lu de nouveaux, honte à moi, à part les infos d’actualité du net, des instigateurs de pétitions, ou de quelques journaux ou magazines politiques. Mais je lis quand même, par intermittence, d’autres livres en anglais sur la zique, ça me fait aussi travailler la langue. A vrai dire, après des heures passés sur l’ordi, je préfère me regarder un bon film en VO. Faut quand même avoir lu au moins une fois et jusqu’au bout, Le Tutu de Princess Sapho, c’est barré, un livre qui a été édité en 1891, mais pas mis en vente. Un rare exemplaire a été retrouvé et publié aux éditions Tristram en 1997. Pour les cinq disques, trop difficile aussi, y en a tellement, des plus classiques aux plus incongrus. Alors même si c’est pas dans l’actualité, le vais citer For Mad Men Only, de UK Decay et leurs singles. J’avais rencontré Abbo et Spon avant leur premier single, au cours d’un échange scolaire d’une semaine à Nottingham en 1979, on a fait une fête ensemble, où passaient les singles Public Image de PiL, et The Sound od the Suburbs des Members, et on s’est baladé dans les rues de Londres lors du quartier libre d’une excursion. Ils collaient des autocollants UK Decay sur les barres du bus, et devant la vitrine d’un disquaire Spon m’a entre autre conseillé That’s Life de Sham 69, qui venait de sortir. Avec mon argent de poche, j’ai aussi acheté Le premier LP des Buzzcoks, le second des Only Ones, et le second de Motorhead. En ’81 j’ai trouvé Sexual, le single de UK Decay, chez Bunker, et j’ai vraiment accroché ; Ensuite, le dirais Indoor Life des Hypnotics, putains de riffs tueurs et un sens de l’humour à couper au couteau ; Sens of Solitude, des Stratford Mercenaries, avec Steve Ignorant, on pourrait passer leur titre Sunday Morning Neighbours à mon enterrement, ou alors Cutain Call des Damned ; Generation Indigo de Poly Styrene, pour lui rendre hommage. Elle est partie un mois après la sortie de cet album, qui est un mélange hybride de pop moderne, très londonien – ça me rappelle des trucs qu’on entendait quand j’ai bossé dans une grosse discothèque de Londres. Un mélange de rock, reggae, hip-hop, qui fait parfois penser à Blondie, et on y ressent l’influence de la musique de P!nk, comme sur bon nombre de chanteuses pop actuelles, mais Poly a toujours été une originale. J’ai été agréablement surpris de découvrir qu’elle avait sorti un single en 1976, Silly Billy, du rocksteady exotique, sous son vrai nom, avant de jouer dans X-Ray-Spex. Elle a donc ensuite repris ce style pour son album de 1981, Translucence, que je trouve toujours aussi émouvant ; et l’album de la reformation des Slits, Trapped Animal, pour rendre hommage à Ari Up, partie alors qu’elle témoignait toujours autant d’originalité, avec ce chevrotement unique dans la voix. J’ai aussi bien aimé ses projets parallèles comme New Age Steppers, au sein de la scène reggae dub de Brixton, d’où ont émergés des perles comme celles du collectif Singers & Players. Et sans oublier l’album de 2008, Repentance, de Lee Scatch Perry, ce fou génial, auquel Ari a participé. J’ai lu des réactions de fans de Perry, des conservateurs, qui disaient être déçu et trouvaient ce disque nul, alors que c’est une perle d’inventivité dans le genre. Je vais quand même faire l’effort de citer quelques disques français, comme le premier album de La Souris Déglingée et Animal Factory d’Oberkampf, et des trucs plus improbables comme Pourquoi es- tu si méchant ? de Super Freego ou Press Color de Lizzy Mercier Descloux. J’ai toujours eu un faible pour les atypiques. Et AnA M, Histoires sans fin, succulent. J’ai aussi eu ma phase Pebbles et suis friand des trucs diffusés par Kill By Death Records. Quant au psychobilly, les Sting Rays sont restés mes préférés, bon d’accord les Meteors, Escalators et Washington Dead Cats ! Hey Hawaii Samurai ! Et Geza X and the Mommymen, You Goddam Kids ! Je peux pas l’oublier : The Deadbeats On parade, essentiel, mais j’aime aussi On Tar Beach, des Dead Beats de Susy May. Mon grand père disait qu’une vie ce n’était pas suffisant pour apprendre le violon, et en découvrant Jimmy Bryant, j’ai cru mourir.
Buanax : Demain, je me lance dans l’édition, quels conseils tu me donnes ?
Ladzi : Ben bon courage mon gars, c’est la merde ! Non, sans rire, mais faut être très bosseur et disponible. C’est plus de boulot d’éditer une traduction qu’un texte en français, car y a des étapes de plus. Comprendre le texte est une chose, mais l’interprétation et la bonne écriture dans notre langue est le plus difficile. Et aussi c’est un vrai travail, pas comme musicien, fainéant va ! Je plaisante bien sûr, mais beaucoup le pensent encore de nos jours. Les plus débiles et les plus attardés ne sont pas toujours ceux qu’on croit. Et ce sont les premiers à prendre les autres pour des cons. Comme pour beaucoup de choses il faut s’investir de sa personne, ne pas dénigrer les bons conseils et se fier à son sens de l’odorat. Mais je ne suis pas du genre à en donner, je ne suis pas el professor, plutôt un élève permanent, ce qui implique de faire des erreurs, de savoir les apprécier, mais sans que cela soit un frein pour continuer. Ne jamais baisser les bras !
Buanax : D’autres projets en vue ?
Ladzi : J’avais envie de travailler sur Let The Fury Have the Hour, The Punk Rock Politics of Joe Strummer, d’Antonino D’Ambrosio. Je lui avais écris chez Avalon Publishing. Une personne m’a répondu que ça serait difficile car il me faudrait demander des autorisations aux ayants droit figurant à la fin du livre, y en a deux pages et sans aucun contact. En effet il y a beaucoup d’extraits d’article de magazines. J’ai essayé de trouver les contacts sur le Net, sans résultats. J’ai demandé s’il pouvaient me les envoyer et n’ai pas eu de réponse. J’ai donc lâché l’affaire en pensant que Joe avait été floué et qu’il devait se retourner dans sa tombe. Mais on a signé d’autres livres, dont The Story of Crass de George Berger, une mine d’infos sur la période Thatcher, en cours de traduction par Christophe Mora de Stonehenge Records. Et puis, tout récemment, Burning Britain de Ian Glasper, sur lequel se collent quatre traducteurs.
Buanax : Où a-t-on le plus de chances de te croiser ? Dans un salon du livre, une manif, un concert ou à la poste ?
Ladzi : Dans la forêt, lieu de ressources naturelles, mais difficilement, c’est pas une forêt commerciale ! C’est pas pour faire l’ermite, il m’arrive encore d’aller à des concerts. Dans les manifs c’est plutôt rare, j’en ai tellement fait étant petit que j’ai été sevré, mais ça n’empêche pas d’avoir une opinion et de l’exprimer si on m’en donne l’occasion. A la poste que pour les paquets et acheter des timbres, grâce au facteur qui a fait mettre une boîte au lettres plus grosse car je lui filais régulièrement les commandes de plus d’un bouquin ou deux qui ne rentraient pas. Ça me permet d’être écolo en évitant de faire seize kilomètres aller-retour en bagnole pour allez à la poste. Positif, positif ! Et ici, le vélo, n’y penses même pas ! Du moins pour monter. Pour le reste, on ne peut pas être au four et au moulin à paroles.
Exposition « Punk Attitude », Renoma, octobre 2011 à janvier 2012
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EXPOSITION « PUNK ATTITUDE » Maurice Renoma présente PUNK ATTITUDE, une rétrospective et une scénographie sur le mouvement punk à travers la mode, la photograhie, le graphisme, la musique et ses vinyles, et des livres cultes. Des livres de RYTRUT étaient visibles dans la bibliothèque provisoire A la boutique Renoma, Maurice Renoma et son équipe ont customisé des perfectos des années soixante à nos jours ainsi qu’une collection unique de costumes, vestes, chemises, t-shirts, chapeaux et cravates, sur le thèmes Do It Yourself – No Future. Dans cette page : COMMUNIQUÉ DE PRESSE de l’exposition VOUS AVEZ-DIT PUNK ? Par Christian Eudeline, commissaire de l’exposition. LE PUNK : Entretien avec Maurice Renoma par Anne-Sophie Rivière |
COMMUNIQUÉ DE PRESSE
Après avoir exposé la Beat Generation, Maurice Renoma présente : PUNK ATTITUDE
Cette rétrospective rassemble les divers moyens d’expression qui ont constitué le punk, notamment la mode et la musique. L’exposition Punk Attitude met en lumière la révolution engendrée par une génération énergique qui a renversé toutes les valeurs et les codes post-hippies. Mouvement issu de la couche prolétaire, désargentée et en mal d’inspiration, le punk a émergé dans les années 1960 et a explosé dans les années 70 aux USA et en Angleterre, en réaction contre la société conformiste et la crise économique. Mais au-delà du phénomène, c’est un état d’esprit, état d’alerte, qui existe depuis toujours : celui de la révolte qui s’empare des « petits » face aux injustices sociales.
L’attitude punk est révélée par les jeunes rebelles : allures provocatrices et excentriques, idéologie nihiliste et anti-autoritariste, philosophie du Do It Yourself et du No Future. Une telle liberté d’expression vestimentaire, empruntée aux années 50 et 60, aux Teddy Boys et aux Mods, a inspiré de nombreux designers et publicitaires.
Exceptionnellement réunis, 19 photographes de renom sont exposés à la boutique Renoma et au Renoma Café Gallery avec pour la plupart des photos inédites : Richard Bellia, Bruno Blum, Alain Dister, Brad Elterman, Catherine Faux, Férial, Danny Fields, Bobby Grossman, Bob Gruen, Jenny Lens, Mick Mercer, François Poulain, Pierre René-Worms, Marcia Resnick, Sue Rynski, Allan Tannerbaum, Dominique Tarlé, Pierre Terrason, Maurice Wagener.
Témoins privilégiés de la révolte punk, ils ont capté la scène US d’Iggy and The Stooges, MC5, New York Dolls, Television et Richard Hell, les Ramones et les Cramps, la scène anglaise des Sex Pistols, The Clash, The Damned, Siouxsie and The Banshees, la scène française des Stinky Toys, Asphalt Jungle, Metal Urbain et la scène allemande de Nina Hagen.
Au sein de l’exposition mise en scène par Maurice Renoma, une librairie regroupe les ouvrages incontournables sur le punk.
VOUS AVEZ DIT PUNK ?
Par Christian Eudeline, commissaire de l’exposition
1977 est une année historique pour la musique. Mort et enterré, Elvis Presley passe le relais à la musique disco qui envahit clubs et cinémas, mais également à son pendant le plus cru, le punk rock. Les Sex Pistols et le Clash sortent cette année-là leurs premiers albums et gravent les tables de lois d’un genre révolté mais salvateur.
Autant la musique disco s’enivre des succès sans limite d’une société de plus en plus capitaliste, autant les punks crient leur haine du monde moderne. C’est en Angleterre que tout a commencé, pas un hasard. L’année précédente, l’inflation a battu des records, même les fonctionnaires qui ne craignent pourtant pas le chômage sont en grève, la vie est devenue si chère qu’ils sont dans une impasse. Les manifestations se multiplient et tournent souvent à l’affrontement physique avec les bobbies. Pire, l’Empire britannique, qui il y a peu rayonnait à l’international, est obligé de demander de l’aide pour renflouer ses caisses. L’Angleterre est en crise.
C’est cette révolte contre une machine qui s’enraye que les punks portent en eux. Mouvement avant tout musical, les punks cassent les codes du politiquement correct et proposent un retour à une musique primale et bestiale. Le rock n’a pas besoin de fioritures pour être efficace, les morceaux seront courts et les tempos rapides, violent même. Les punks optent pour un look qui va de pair, à la poubelle costumes à paillette et couleurs flamboyantes, adieu aussi cheveux longs, ultime emblème de la coolitude seventies. Les punks veulent incarner le désarroi d’une rue abandonnée par les politiques, ils s’habillent avec les premières fringues venues, souvent de la récupération, et se coupent les cheveux comme une première mutilation. Le bourgeois est choqué, il les trouve même repoussants. Tant mieux. C’est bien là l’effet recherché.
Les punks ont beau crier haut et fort qu’ils sont une génération spontanée, les plus fins observateurs observent des similitudes avec d’autres mouvements artistiques qui les ont précédés, à commencer par les beatniks des années 50 qui fuirent les diktats de la société traditionnelle, ou même les hippies qui rêvèrent d’un monde sinon meilleur, au moins différent. Musicalement aussi les punks ne sont pas nés de la dernière pluie, avant eux il y eut le Velvet Underground, les Stooges ou les New York Dolls. Ils répondent en fait à une séculaire loi de la nature devenue aphorisme sous le plume d’Antoine Laurent Lavoisier : Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme…
En France aussi les Trente Glorieuses connaissent une période plus que difficile en ce milieu des années 70 et des groupes essaient de réagir avec leurs moyens dérisoires : un style, un micro et une guitare électrique. Ils n’auront jamais le succès de leurs collègues anglais, mais défricheront le terrain pour la génération suivante. Si les Bérurier Noir ont autant marqué les années Mitterrand, c’est bien évidemment qu’ils ont profité de l’expérience des Metal Urbain, Asphalt Jungle et autres Stinky Toys. En fait, en ce milieu des années 70, il n’y a qu’aux Etats-Unis ou le plein emploi est à l’ordre du jour, ce qui explique pourquoi les groupes américains n’ont de punk que la forme et pas le fond, il n’y a chez eux aucune nécessité d’un commentaire social énervé. C’est sans doute pour pallier ce manque de matière première, que certains (Patti Smith, Richard Hell) s’imaginèrent comme des héritiers des poètes maudits façon 19e siècle.
Les images présentes ici portent en elles ces stigmates : en fermant les yeux il est facile d’imaginer la bande son qui les habille.
Si j’ai tenu à participer à cette expo en réunissant ces quelques photos, c’est pour plusieurs raisons. Il y a une dizaine d’années j’ai écrit un livre « Nos Années Punk » (Denoël) que j’ai imaginé comme une grande enquête sur ce mouvement. Je voulais raconter une histoire, celle de ce mouvement, en passant par une lorgnette qui m’était chère, celle des groupes français. Mon grand frère a été le chanteur d’Asphalt Jungle, l’un des groupes pionniers du punk hexagonal. Les articles qui lui étaient consacrés dans les journaux tissaient comme une toile invisible entre mon quotidien d’écolier et le monde extérieur, cette nouvelle vague à laquelle je n’avais pas l’âge de participer mais dont je décortiquais dans les journaux la moindre news. En partant à la rencontre de ces groupes une vingtaine d’année plus tard, il y avait comme une complicité tacite, je prenais en quelque sorte le relais de mon frangin. Si je me suis concentré sur l’histoire de ces groupes français c’est parce qu’ils étaient plus facile d’accès et aussi parce qu’aucun livre ne racontait leur histoire. Une injustice que je ne comprenais pas, car il me semblait évident que le mouvement punk n’était pas qu’un épiphénomène, même de ce côté de la Manche où Plastic Bertrand avait dansé son premier pogo chez Drucker, et où des collections de Jean-Paul Gaultier aux livres de Virginie Despentes, l’esprit s’était fortement répandu. J’ai posé à ces acteurs des questions simples : Pourquoi avaient-ils eu envie de créer un groupe ? Comment s’y étaient-ils pris ? Qu’en gardaient-ils ? Qu’étaient-ils devenus ? Avaient-ils abandonné ?
Et je me suis aperçu qu’être punk c’est d’abord une histoire de survie et de révolte. Que c’était un parfait avant-goût à ces années de démerde généralisée. Que les punks se posaient non pas des questions existentielles mais des questions de première nécessité, ils n’ont pas été les premiers et ne seront pas les derniers. Ils m’ont fait comprendre également que les choix de jeunesse ne se renient jamais. Que « punk un jour punk toujours », et que surtout, ils nous manquaient énormément.
Maurce Renoma est-ils punk ? Non, bien évidemment que non, mais son anti-conformisme (il est bien le seul styliste à refuser depuis toujours d’organiser des collections) est la preuve évidente d’une certaine logique et le fruit d’une rébellion. S’intéresser à tous ces groupes après une vie bien remplie l’aide sans doute à mieux comprendre son propre itinéraire, et apporte une preuve supplémentaire à l’ouragan artistique que ce fut. Les punks sont désormais dans les galeries, profitons. »
LE PUNK
Entretien avec Maurice Renoma par Anne-Sophie Rivière
Après vos expositions précédentes : Gainsbourg, Rolling Stones, Hendrix, James Dean et la Beat Generation, pourquoi avoir choisi le punk ?
Après mes expositions précédentes, que pouvais-je choisir d’encore plus fort ? La Beat Generation était déjà un mouvement très fort, marqué par une réaction antisociale, contestataire et une atmosphère révoltée. J’ai toujours aimé lé révolte. Toutes mes expos racontent une histoire de révoltés qui prennent le contre-pied d’une mode en déréliction. Le punk, c’est le mouvement de révolte suprême pourmoi : révolte sociale et vestimentaire.
Les punks n’ont pas toujours très bonne réputation dans notre société : on les voit volontiers comme des marginaux, sales et hirsutes. Vous qui êtes dans la mode du côté dandy parisien, comment intégrez-vous ce mouvement dans votre univers ?
Je suis ani-mode. Pour moi, le mouvement punk n’est pas une mode mais une attitude, une façon de vivre. Pour créer un mouvement de mode ou de contestation, il faut sentir le mouvement et le précéder. Le mouvement punk n’est pas un mouvement à la mode au départ, ce sont des jeunes de 16 ans issus du milieu prolétaire : il n’est pas question de marketing. C’est quoi la mode punk ? Un peu de style motard, un peu de « Fureur de vivre », c’est un peu tout, le punk. Cela a toujours existé, le système D, le recyclage, la récup’… J’ai toujours fait ça.
Quel genre de punk étiez-vous en France dans les années 70 ? Avez-vous suivi le mouvement punk ?
Je n’ai pas suivi le mouvement. Comme je vous l’ai dit : suivre le mouvement pour moi c’est être à la mode, et je n’aime pas ce qui est à la mode. Dans les années 70, j’avais la tête dans le vêtement : j’étais concerné sur le toucher d’un tissu, sa couleur… De toute façon, je trouve que le mouvement punk en France a été plus discret qu’outre-Manche. Le style punk est surtout lié au mouvement anglo-saxon : En France, on est moins démonstratif, moins « agressif ». On a plus l’état d’esprit hippie que punk. En Angleterre, le punk a été récupéré et commercialisé par Vivienne Westwood et Malcolm McLaren. Pour moi, le punk, c’est un état d’esprit, c’est la grande liberté. Etre punk, c’est casser les codes établis. Si on considère que le punk est une façon de vivre, alors je suis punk. J ’ai fait la guerre aux conventions moi aussi : avant, on ne pouvait pas imaginer aller au restaurant sans cravate, il ne fallait pas s’habiller en vert… J’ai viré la cravate de mes collections et mis du vert partout. Le style Renoma a donc contribué à l’abolition de la cravate, et de toutes les superstitions sociales qui vont avec.
Pour vous, qui est le plus représentatif du mouvement punk en France ?
Les Bérurier Noir. Ils ont bien rendu l’esprit antifasciste et antimilitariste du punk. J ’ajouterai Gainsbourg pour cet état d’esprit rebelle et provocateur.
Vous avez assorti vos collections mode à chacune de vos expositions précédentes : comment allez-vous exprimer l’attitude punk à travers le vêtement ?
Avec mon équipe, je vais customiser des perfectos afin de créer une expo dans l’expo. Ce ne sera évidemment pas commercialisé. Il s’agira d’objets d’art, de pièces uniques. Quelques amis photographes et artistes nous accompagneront peut-être dans cette collection de perfectos. Le but, c’est de rendre hommage au mouvement punk, et de s’amuser.
1er Salon Littéraire de Vaux-Le- Pénil, La Ferme des Jeux, 10.10.10
Affiche de Sapiens
Site des familles laïques : PROGRAMME ; UFAL – Informations : LA FERME DES JEUX
Rencontres, dédicaces, lectures, conférences, ateliers d’écriture. Avec les auteurs : Marc Kravetz (prix Albert Londres, grand reporter à France Culture), Domitille de Pressensé (éditrice de la collection “Émilie jeunesse”), Eddy Khaldi (enseignant et militant), Anne Eau (comédienne), Richard Taillefer (poète), Philippe Sternis (BD), Pierre Baracca (enseignant), Isaline Rémy et Valdo (poésie et photographie), Anne Martinetti (polar et cuisine), Pascal Vandier (témoignage), Bernard Devillaire (romans), Jean-Michel Chevry (musicien voyageur), Sylviane Laniau (romans), Pierre Brulhet (fantastique), Raphaël Azad (romans), Gisèle Meunier (littérature), Phoebé Flandre (science-fiction), Hervé Priëls (romans), Sophie Massonnaud–Herbouiller (romans), Guy Georges (instituteur syndicaliste), Ladzi Galaï (aphorismes), Badia Hadj Nasser (nouvelles), Bernard Caron (histoire locale)… Les illustrateurs : Stéphane Armède, Cécile Rastouil… Et : les éditions du trou de nez (jeunesse), la cause des livres (sciences humaines, littérature autobiographique), les éditions du Sonneur (littérature), les éditions Mouck (jeunesse), Autour du livre (rock), Amatteis (région), éditions Grrrart (BD, jeunesse, romans), Artena (art, histoire), Lokomodo (fantastique), Deux lunes à l’autre (romans, poésie), les amis de Dodova (jeunesse), Cdanslapoche éditions (romans), Carte Blanche (littérature contemporaine), la Grappe (revue), la chronique sociale (sciences humaines), les éditions du bout de la rue (jeunesse, roman, polar, poésie), ATD Quart Monde, éditions Sudel (enseignement), Amnesty International, Rytrut éditions (musique), éditions de la Guette, association CM98… Une manifestation organisée par l’Association de la Ferme des Jeux, Familles laïques de Vaux-le-Pénil, Ciclop 77 ateliers d’écriture et la bibliothèque municipale de l’Arcature.
Des auteurs militants laïques seront présents au salon littéraire de Vaux-Le-Pénil (77). Guy Georges, auteur de La bataille de la laïcité 1944- 2004, Eddy Khaldi co-auteur de Main basse sur l’école publique, Amandine Briffaut, Malika Messad et Pierre Baracca, co-auteurs du livre Les animateurs face à l’intégrisme religieux et à l’oppression des femmes. Durant le salon littéraire du 10/10/10, Familles laïques de Vaux le Pénil et le CDFAFA 77 organisent un déjeuner débat de 12H à 14 H avec les trois auteurs présents du livre Les animateurs face à l’intégrisme religieux et à l’oppression des femmes. Vous trouverez, entre autres, des auteurs suivants, enseignants et réalisateurs d’ouvrages du GRIP ou de SUDEL, des militants laïques qui contribuent par leurs écrits à alimenter notre réflexion.
ÉDITIONS SUDEL (PARIS). Les enseignants éditeurs. Créée en 1932, Sudel, Société universitaire d’édition et de librairie, a édité pendant des décennies des manuels scolaires à destination des enseignants et des élèves des écoles et des collèges. Sudel poursuit aujourd’hui son activité avec le même objectif : diffuser des outils pédagogiques ou de réflexion centrés sur l’école qui peuvent être utilisés par les différents acteurs de l’éducation : enseignants bien sûr mais aussi éducateurs, parents, institutions, organisations, et tous ceux et celles qui s’intéressent aux questions éducatives. En présence de Guy Georges, instituteur syndicaliste et militant associatif, auteur de La bataille de la laïcité.
ÉDITIONS DU GRIP (Groupe de Réflexion Interdisciplinaire sur les Programmes). Manuels scolaire. Les éditions du GRIP publient sous statut associatif des manuels scolaires mis au point par les instituteurs du réseau expérimental SLECC (Savoir Lire Ecrire Compter Calculer). En présence, à partir de 14h, de Pascal Dupré, Muriel Strupiechonski et Thierry Venot, professeurs des écoles et auteurs de manuels.
LES AUTEURS. Pierre Baracca, Amadine Briffaut, Malika Messad : Les animateurs face à l’intégrisme religieux et à l’oppression des femmes, témoignages, enjeux de formation, L’Harmattan. « Ce livre est une contribution originale et intéressante au débat sur les missions de l’animation et montre avec force qu’aujourd’hui il n’y a qu’une alternative : l’éducation populaire ou l’intégrisme, c’est à dire le progrès et les lumières ou l’obscurantisme ! ». Rencontre-déjeuner avec les auteurs, 12h30-14h, grenier de la Ferme des Jeux. Eddy Khaldy, enseignant, militant syndicaliste et associatif, suit depuis 25 ans les questions de société et de laïcité relatives à l’école, auteur de plusieurs articles sur ces questions. Dernier ouvrage : Main basse sur l’école publique (avec Muriel Fitoussi), Demopolis. Eddy Khaldy présentera également : L’église et l’école de Marceau Pivert.
La Philosophie du Punk, Craig O’Hara, article Frank Frejnik, Punk Rawk n°13, novembre 2003
« PUNK INC. » par Frank Frejnik,PUNK RAWK n°13, sept./oct./nov. 2003
LADZI GALAI, Punk, mode d’emploi : « The Philosophy Of Punk » a été publié, il y a quelques années, sur la base d’une thèse de sociologie par Craig O’Hara. Présentant les diverses facettes du mouvement punk, le livre fut traduit dans le monde entier. Il sort aujourd’hui en France grâce à Ladzi Galaï, a qui on a demandé d’exposer ses motivations. C’est en 1996 à Londres que Ladzi Galaï entend parler du livre de Craig O’Hara. Après sa lecture, l’idée de le traduire s’impose presque d’emblée.
« Ce livre résume bien certains aspects de ce que j’ai pu vivre toutes ces années, il propose vraiment un tour d’horizon des attitudes qu’on peut trouver dans le mouvement. Il n’est pas fait de sacralisation, et différents points de vue y sont représentés. Le but d’éditer ce livre en France est de montrer le vrai visage du mouvement punk. Et de « redorer » le blason du punk, tenter de lui rendre une forme de crédibilité dans la société, en expliquant clairement ses origines et ses aspirations », avoue Ladzi. « Mais aussi avec la volonté de sortir du cercle des initiés, tellement souvent considérés comme des farfelus insouciants, ou complètement en marge des réalités, par une majeure partie des gens du courant dominant. Montrer l’influence que n’a cessé d’avoir cette forme de conscience dans de nombreux secteurs, et pas seulement culturels. Car les punks sont là, ils sont partout disséminés, n’ont pas forcément les apparences qu’on veut bien leur prêter, ou par lesquelles beaucoup les identifient. Il est toujours plus facile, pour le commun des mortels, de rire de ces clowns sans s’intéresser à ce qu’ils proposent, et de dépenser son énergie et son argent sur « la camelote déshumanisante que dégueulent sur nous les grandes sociétés et leurs subalternes ». Ou en exploitant les œuvres de rebelles décédés, qui, en étant passés dans la tradition, ne sont plus que d’un intérêt linguistique, mais pas d’un bien grand danger pour les institutions protégeant les intérêts de certains. »
C’est la première fois que l’édition d’un livre étranger sur le punk est complétée avec quelques pages sur la culture locale. « Cette idée m’a été suggérée par les gens de l’atelier de Création Libertaire à Lyon, à qui nous avions tout d’abord soumis le manuscrit, en 2001, et soutenue par Craig O’Hara, à la place des annonces d’autres livres figurant à la fin de l’original », explique le traducteur. « La philosophie punk n’est pas seulement un truc qui nous vient de l’étranger, mais bien quelque chose que beaucoup ont vécu ou vivent aussi en France, et ailleurs. Cette version française aurait pu sortir printemps 2002, mais il a fallu une année pour trouver le financement. Cette première édition a vu un tirage de 2000 exemplaires. Donc, écrire sur la scène française mériterait une plus longue investigation, mais il était important à mes yeux de raconter comment j’ai pu ressentir le truc. » Traduire n’a pas été le plus difficile, (« le punk rock a été mon meilleur professeur d’anglais »), restait à lui donner la forme d’un vrai livre. Pour cela, Ladzi crée les éditions Rytrut, diminutif de son ancien tape-label (1985-92) Rythm & Rut (R.R.Products) sur lequel il a sorti entre autres des K7 de ces anciens groupes (Cripure S.A, Dirty Husbands, Nonono.) et des graphzines. « La Philosophie du Punk » n’est que le premier livre d’une série d’ouvrages qu’on espère longue. »
« LADZI GALAÏ a été musicien de nombreux groupes underground, dont le dernier fut Ultime Atome, « quartet de guitares, formé pour interpréter la guitare symphonie de ma composition, éditée en CD en 1993, et qu’il est prévu de re-mixer ? » En 1997, il enregistre « Foutue Poupée » tout seul, ce qui lui donne l’idée de donner quelques concerts sous l’intitulé « punk’n’roll à dada », « un mélange de trois termes un peu clichés représentatifs de l’état d’esprit qui semble me porter ». Aujourd’hui, il continu de jouer en solo, aidé de son orchestre de poche. Un album est en cours d’enregistrement. »
« CRAIG O’HARA est actif dans la scène depuis 1982, il a joué avec le groupe de Pennsylvannie Eight ball, organisé pas mal de concerts, et joue actuellement de la basse avec le groupe anarcho-punk de San Francisco Songs For Emma (un CD Red Lies & Black Rhyms est sorti chez Broken Rekids). IL a aussi contribué au fanzine américain Maximum RocknRoll et fait partie des éditions AK Press. »
Interview Rytrut, par Laurent Laloue, L’Oreille Cassée n°19, avril 2007
Interview de Ladzi Galaï de décembre 2006 par Laurent Laloue, paru dans le zine L’OREILLE CASSEE N°19, avril 2007, avec au sommaire : Asta Kask, Rotten Eggs Smell Terrible, Stalingrad, Philippe Manœuvre, Rytrut éditions, Frank Frejnik, chroniques. Pour le commander à l’Oreille Cassé, 2,50 € en timbres à Laurent Laloue, 13 Allée de la châtaignerie, 33170 Gradignan.
RYTRUT EDITIONS
Ladzi Galai s’occupe de Rytrut éditions. Dans un premiers temps ce nom ne vous dit peut-être rien mais si je vous parle des livres suivants La philosophie du punk et chansons d’amour, cela va devenir plus clair ! Il y a peu de livres parlant de notre musique qui sortent en France de façon complètement indépendante. Vous pouvez le contacter par mail ou par courrier.
Comment vous est venue l’idée de vous lancer dans l’édition ?
Après avoir lu The Philosophy of Punk en 1999. J’ai eu une expérience de fanzinat en 1983-85 qui s’est poursuivi ensuite avec R.R.Products (Rythm & Rut products), un tape label de home-music officiant dans le réseau du mail-art, on a sorti entre autre des zines graphiques avec des compilations à thèmes, le Foligraphe et Disco Totem.
Tu contactes à chaque fois les personnes concernées, ce n’est pas trop compliqué ? Leurs conditions sont « correctes » ?
Je commence à traduire un projet et l’auteur est contacté, afin de préciser le projet et avoir l’autorisation pour le travail énorme qui s’ensuit. Chaque cas est différent. Pour La Philosophie du Punk, Craig O’Hara a reçu un certain nombre de questions concernant son livre et nous a laissé ses droits d’auteurs (dont la moitié va aux éditions AK Press) pour les 1000 premiers vendus ; Ce fut un grand soutien pour démarrer notre édition en partant de rien, financièrement parlant. J’avais aussi soumis le manuscrit au Centre National du Livre, qui nous avait octroyé une avance remboursable par leur commission Art et Bibliophilie. Ce qui a complété l’emprunt bancaire ayant permis le financement.Pour le Crass Chansons d’Amour (qui aurait aussi bien pu s’intituler « Anarchie et Paix »), j’avais donc commencé à traduire leur paroles quand j’ai écrit à Penny Rimbaud. Comme un livre était en cours avec les textes originaux en Angleterre, il m’a conseillé d’écrire à l’éditeur Pomona, pour voir avec eux s’ils n’avaient pas déjà prévu une traduction française de Love Songs. J’ai révisé ma copie de l’idée de publier les titres par ordre chronologique avec adjonction éventuelle de graphismes et après arrangement concernant des parts en droits, on s’est basé sur leur mise en pages et l’ordre des textes, sur lequel Pomona avait travaillé de manière à fluidifier la lecture.
Pour le livre de Jello Biafra Les Paroles, je lui avait écrit pour lui soumettre l’idée d’un livre concernant toutes ses paroles en français avec ses différents projets. Je n’ai pas eu de réponse instantanée, mais 6 mois plus tard, après lui avoir soumis une autre idée d’un livre concernant uniquement Dead Kennedys. Celle-ci avait germé suite à un échange avec le dessinateur français Melvin, qui prévoyait avec d’autres un fanzine avec des traductions des paroles de DK, et on a alors parlé d’autorisation. En raison des problèmes connus entre Biafra et ses ex-acolytes, il nous a répondu que l’intéressait seulement cette idée de bouquin avec les paroles de ses différents groupes, via d’autre personnes d’Alternative Tentacles chargés de la communication. Melvin se joint à nous pour les illustrations, ainsi que Sapiens, la mise en pages avance et la traduction se corrige, AT attend maintenant de voir notre boulot. On espère sortir le livre au printemps.
Comment décidez-vous du tirage ? Je crois que La philosophie a été sorti à 2000 ex et a été réédité ? Crass sort à 700 ex ?
A vu de nez et en fonction du budget très serré. Le premier tirage de La Philosophie du Punk étant parti en un an et ayant été plutôt bien accueilli, ça coulait de source de procéder à un retirage de ce livre contenant des idées et une vision du punk qui méritent d’être mieux diffusés au delà du cercle des « convertis » ou des « je connais déjà tout », il en existe ! Pour la promo on a procédé avec nos moyens. N’ayant pas encore Internet avant 2003, j’avais parcouru l’Officiel de la Musique, et noté des sites de mags, de zines, ou autre radios, dont l’email apparaissait, et j’ai pu ensuite (une fois faite l’acquisition d’Internet) leur envoyer l’info et la proposition d’envoi d’un exemplaire pour chronique. Ce qui explique que nombre de magazines nationaux n’ont pas été contactés (hormis Punk Rawk, qui a ensuite publié un article par Frank Frejnik). Le bouquin de Crass à eu un tirage de 1000 ex (mais 300 ayant foiré à l’impression, merci les « pros » !, y en a eu 700). Voilà ce que donne les cadences infernales : tenter de foutre en l’air en trois jours le travail d’une année et plus ! On va encore changer d’imprimeur afin d’avoir un produit fini de meilleur qualité.
J’ai lu sur vu votre site que la distribution se faisait en grande majorité par les libraires, les assos, listes de distro. C’est pas trop la galère pour récupérer l’argent ? Mon expérience de fanzineux à ce niveau n’est pas géniale….
Ça se passe plutôt bien dans l’ensemble, il s’avère que la majorité sont réglos, une chose optimiste, le cas contraire ça deviendrait impossible. On le sait, la période n’est pas aisée pour les petites librairies, disquaires et distributions. Il y a ceux qui assurent totalement, comme Maloka et d’autres, il y a en a bien qui font un peu traîner ; il y a eu quelques dépôts de bilan… Dans ce cas on ne peut rien faire pour être payé, on a l’impression d’être volé et c’est dur pour ceux qui fonctionnent comme nous, au minima ! Corde serrée, car il y a des charges, et des frais de fonctionnement. On a des commandes directes de librairies, ou via Alize SFL -Société Française du Livre. Pour la diffusion aux autres pays francophones, c’est des commandes directes et ponctuelles de personnes ou de librairies. Pas de diffuseurs, mais le CELF – Centre National du Livre Français, fait un travail de fond bien utile pour les petits éditeurs, en nous commandant régulièrement des exemplaires pour les proposer à l’étranger.
Je crois que l’on retrouve les livres sur Amazon ? Comment cela se passe avec une société pareille ? C’est possible de toucher les Fnac, Virgin ?
On n’a jamais eu de commande directe d’Amazon, peut-être passent-t-ils par Alize, un intermédiaire entre l’éditeur et les librairies, on ne connaît donc pas la destination. Avec la Fnac, on a eu quelques rares commandes ponctuelles de leurs clients. Peut-être passent-t-ils aussi par Alize. Nos livres sont enregistrés à la Fnac, figurent sur leur site, mais cette société ne travaillent pas, en général, avec les petits éditeurs (source interne). Malgré le fait d’avoir fait un courrier aux 64 de leurs magasins en France, on n’a eu aucune réponse quand à l’idée de voir le livre dans leurs rayons ! D’autres librairies ayant un public large comme Arthaud vers chez nous par exemple en prend en dépôt. Et ça rassure de voir que tout le monde n’est pas accroché au stéréotype télévisé et radiophonique qui travaille collé-serré avec les majors de la soupe sans sel, trop sucrée ! De toute façon on soutient les petites librairies et distributions. Personnellement et comme beaucoup, je fais parti des gens qui ont aidé la Fnac à grandir à ses débuts ; En tant qu’ados, on allait acheter nos disques dans leurs magasins, qui fonctionnaient davantage comme des petits disquaires. Puis les ventes par correspondance ont commencé début des années 1980 avec New Rose par exemple et d’autres, puis ça s’est multiplié, alors depuis j’ai pris l’habitude de commander mes trucs aux distros et mêmes directement aux labels et éditeurs, sans pour autant cesser de rendre visite à un disquaire à l’occasion. Ça fonctionne avec Internet, mais ça marchait aussi comme ça avant. C’est une forme de concurrence pour les supermarchés, du moins ça fait vivre notre culture, en plus on y trouve beaucoup de ce qu’on ne trouve pas chez les « géants », qui concentrent leur politique commerciale sur des produits grand public – marketing à la page – provenant d’univers qui nous sont la plupart du temps étrangers, et sont souvent instigateurs de nos railleries. Bien sûr, c’est à chacun de faire et de vivre SA propre culture.
Comment les choses se passent dans Le monde de l’édition ? Tu donnes une espèce de mode opératoire…
Ça vient en le faisant, je suis novice et autodidacte, apprend sur le tas et au grès des rencontres, qui donnent des coups de mains, des associés, même officieux. Il existe des livres explicatifs sur l’édition, chacun peut trouver ça, après tu concrétises, fais ton truc car c’est une passion, vois le répondant, la demande, continue, ne baisse pas les bras, certains veulent ta ruine et tu le sais Mais d’autres t’encouragent car ça les intéresse, et tu portes le fruit de ton travail, de ton courage. Ça prend tout le temps, pas toujours évident de sortir de sa bulle.
Les deux prochaines sorties sont des traductions de textes de groupes, vous allez vous spécialiser dans ce genre ?
Peut-être bien, dans un premier temps. Cette passion de traduire des chansons anglo-saxonne de mes groupes préférés (nombreux), cette envie de creuser, me vient des bans d’école, et je la concrétise à l’aube de la quarantaine. Rytrut est de petite envergure, ça avance doucement mais d’arrache pied. Pour cela, seuls quelques projets sont en préparations, ne pourrait assumer une demande d’autres publications, aucune volonté de vampirisation.
Tu es est musicien, ton one man band qui doit sortir un album, tu peux nous en parler ?
GLOP ! est le nom de mon dernier projet musical, depuis 2004, qui a vu deux formations pour des concerts, avec batteur, et des fois en solo. Je pensais me mettre aux bandes de cet album à finir, mais oups ! Devant maintenant aussi faire la mise en pages des bouquins (ce qui est bien en soit pour être totalement indépendant), je suis obligé de mettre la zique en stand-by. D’autant qu’il y a encore deux autres albums aux concepts relativement différents de commencés. Pas évident d’être disponible pour se consacrer à deux activités, compatibles soit, mais demandant tellement de temps. Faute de mieux, il y a toujours quelques titres démo et lives à l’arrache en téléchargement gratuit sur
le site de GLOP! Il reste des copies de deux anciens CD « solo » que j’avais sorti, plutôt bien chroniqués d’ailleurs, encore disponibles en cherchant sur le site à lapage discographie et anciens groupes de Ladzi Galaï. [Le premier Ultime Atome est une guitare symphonie, instrumentale, le second Foutue Poupée a été mixé en Hollande avec Dolf, ingénieur du son de The Ex]. Plus tard j’aimerai aussi remixer d’anciennes démos avec d’autres groupes qui étaient sorties en cassettes albums chez R.R.Products. Pas eu la tune ou l’entourage nécessaire en son temps pour sortir ça en disque, je viens de la classe ouvrière, j’ai souvent dû faire différents jobs pour vivre ; Toujours voulu être indépendant face au sectarisme ambiant et à et la pénurie des possibilités dans mon secteur. Pas facile, des fois on se coupe de tout, mais bon, allez chiche, je garde ça pour la retraite !
Vous avez donc en projet immédiat les livres sur Trespassers W (que je ne connais pas) et Jello Biafra, quels sont les projets suivants ?
Le groupe hollandais Trespassers W est connu dans le réseau underground internationale pour son univers particuliers, beaucoup moins en France, mais a son réseau de « fans » . Ce n’est pas du punk, au sens strict du terme, plutôt un mélange d’influences, et la force et la beauté des paroles de Cor Gout mérite vraiment le détour. Nous sommes en contact depuis 1987, et j’ai commencé la traduction de ses paroles depuis 1995, c’est en fait le projet déclencheur de cette saga, loin d’être épuisable. On a eu un échange très serré avec l’auteur, concernant le texte. Le livre Trespassers W L’intégrale devrait sortir cet hiver. Quelques idées pour la suite, mais encore rien d’arrêté. Donc laissons la charrue sous le hangar. J’aurais pu crever en novembre, fais un tonneau sur une route de montagne que je ne connaissais pas, la voiture foutue, moi, aucune égratignure. Le paysan qui m’a vu a dit : « Vous avez de la chance, je viens juste de rentrer mon tracteur ». A 5 minutes près, j’aurais aussi bien pu m’empaler dessus ! Ah quand la chance vous sourit ! En plus, ça m’a débarrassé de cette tôle qui commençait à être dangereuse. La vie ne tient qu’à un fil. Alors je me dis la connerie et son lot de prétentions instituées ne tiennent pas du tout la route.
Est-ce que Camion Blanc est un exemple pour vous ? Qu’en pensez vous ?
En 2004, j’avais feuilleté chez un pote un bouquin sur Bérurier Noir publié chez Camion Blanc, mais n’ai jamais lu un de leur livre, je ne pourrais donc pas en parler. A vrai dire, en tant que traducteur, j’ai tendance à me borner à lire des livres en anglais depuis un certain temps, ce qui focalise pour l’instant l’intérêt de notre édition pour la culture anglo-saxonne (punk notamment) et va de soit avec l’évolution du vocable. Même si le travail d’autres peut avoir une influence sur notre créativité, je pense que le meilleur exemple est le chemin qu’on suit, c’est-à-dire rester intègre dans ce que l’on fait.
Quelque chose à ajouter ?
J’espère que les lecteurs prendront autant de plaisir à la lecture des textes traduits de Cor Gout et de Jello Biafra, que nous avons eu à les traduire, et à les annoter, on pénètre des univers.
La Philosophie du Punk, Craig O’Hara, Chansons d’Amour, Crass, article « Favorable à un retour de l’esprit du mouvement punk », Le Vide Poche, février 2008
Le Vide Poche, le blog dédié au planning stratégique, 15.02.2008
– Favorable à un retour de l’esprit du mouvement punk –
Retour sur l’année 1977, symbole d’une révolte culturelle situationniste, anarchiste et rock’n roll. Avec les Sex Pistols et Clash comme détonateurs, et Crass en activistes radicaux.
«Chaque année, une nouvelle génération d’adolescents ressent la même colère face à l’hypocrisie du monde, de son environnement, et se tourne vers le Punk.»
Le Punk est-il mort? Est-il né à Londres ou à New York? Le groupe punk ultime: Les SexPistols ou The Clash? Ces questions nourrissent certainement des discussions enflammées aux quatre coins du monde, et ce n’est pas près de s’arrêter. Car, plus qu’un courant musical ou une mode, le punk est d’abord «un état d’esprit» – tous ses adeptes en conviennent. Et on sait que l’esprit est immortel. Il n’est donc pas réductible à ses clichés: punks de pacotille photographiés sur Trafalgar Square (où on ne les trouve plus d’ailleurs), punks à chiens faisant la manche, auxquels l’émission «Tracks» d’Arte consacre ces jours-ci un cycle jubilatoire.
La subculture punk se décline en une foule de slogans, looks, visuels, œuvres littéraires et cinématographiques. Et bien sûr en musique – bruyante, chaotique, anarchique. Sans règles établies, accessible à tous selon le principe do-it-yourself opposé aux hiérarchies sociales et culturelles. Le punk-rock, urgent et viscéral, est le médium fédérateur d’un mouvement par nature éclaté – anarcho-punk, hardcore, oï, skinhead de gauche ou de droite…
On peut dater le big bang du Punk au 26 novembre 1976 avec la sortie du premier single des Sex Pistols, ‘Anarchy in the U.K.’, ou plus généralement à 1977, «année punk» marquée par la sortie de ‘The Clash’, premier album du groupe éponyme, ‘In the City’ des Jam, ‘Damned, Damned, Damned’ des… Damned, ‘Stranded’ des Saints australiens, ‘Young, Loud and Snotty’ des Dead Boys new-yorkais et surtout ‘Never Mind the Bollocks’, uniquealbum des Sex Pistols. A sa sortie, ce brûlot vitriolé, désormais classé chef-d’œuvre intemporel du rock, est attendu avec fébrilité car les Pistols ont créé un mini-scandale le 1er décembre 1976 dans l’émission de TV populaire de Bill Grundy: éméchés, Johnny Rotten et son groupe, accompagnés de la chanteuse Siouxsie Sioux, ont proféré des obscénités impensables à cette époque prude et moralement répressive.
Contre le statu quo
«Qu’arrive-t-il à notre jeunesse?», se demande l’Angleterre face à ces gamins débraillés, bardés d’épingles à nourrice et les cheveux colorés, qui multiplient rictus défiants, doigts d’honneur et blasphèmes, en «pogotant» sur une musique assourdissante. Sur ‘God Save The Queen’, une attaque frontale contre la reine Elizabeth II en plein jubilé d’argent, Rotten éructe «There is no future in England’s dreaming»: le réveil pour l’establishment est brutal.
«Le chômage était élevé, le futur sombre, la fin du monde apparaissait comme une option crédible», explique Craig O’Hara. Auteur de ‘La Philosophie du Punk’. Histoire d’une révolte culturelle, il résume ainsi le sentiment de désillusion qui prévalait: «Les années soixante avaient fait naître des espoirs qui ont été anéantis dans la décennie suivante par un style de mauvais goût, de mauvaises drogues, une musique médiocre et la menace de la guerre nucléaire. Le Punk est apparu comme une alternative excitante et ouverte à tous, filles et garçons.» La rupture est consommée: Joe Strummer des Clash proclame «Ni Elvis ni Beatles ni Rolling Stones en 1977»; les vieux au placard!
«En 1977, j’avais 13 ans», se souvient Ladzi Galai, fondateur des éditions Rytrut et traducteur de La Philosophie du Punk. «Je vivais dans un quartier ouvrier de la banlieue grenobloise, tout le monde était à la disco, je passais pour un farfelu. La force de la musique punk et la remise en question des idées m’ont immédiatement attiré. Avec un pote d’un quartier voisin, on mettait toutes nos économies dans les disques, sur lesquels j’ai commencé à chanter avant d’écrire mes propres morceaux. Depuis l’âge de 7 ans, j’allais à l’école de musique, où j’ai appris les bases du piano et de la trompette. J’ai arrêté à 15 ans pour m’acheter une basse, avec mon premier salaire d’un boulot d’été.»
Ladzi Galai a suivi le parcours du parfait punk-rocker: il a joué dans des groupes, monté un label de cassettes, publié des fanzines. «Mon attachement à cette culture reste fort», dit-il. Aujourd’hui, ses éditions publient logiquement des ouvrages consacrés à des auteurs contestataires: l’intégrale des textes du groupe hollandais Trespassers W – ceux de Jello Biafra, ancien leader des Dead Kennedys, sont en cours de traduction. Sous le titre Chansons d’amour, on trouve aussi l’œuvre copieuse de Crass, collectif anarchiste radical – séparé en 1984 –, dont la colère doit être comprise comme une déclaration d’amour à l’espèce humaine et un refus de son exploitation sous toutes ses formes (lire page suivante).
Coup marketing
En 1978, Crass chantait déjà «Punk is Dead»: «CBS promeut les Clash / Pas pour la révolution, Juste pour le cash (…) / Les mouvements sont des systèmes et les systèmes tuent.» Inutile de le nier: passé le premier choc, le Punk s’est mué en un business lucratif. C’est même dès le début un coup marketing, orchestré par Malcolm McLaren, compagnon de la styliste Vivienne Westwood et propriétaire de la boutique «SEX» sur King’s Road. En 1974, à New York, McLaren a fréquenté le club CBGB, il a vu les Ramones, les Neon Boys de Tom Verlaine et Richard Hell – considérés comme les premiers groupes punks avec les Stooges d’Iggy Pop –, il a même managé les New York Dolls.
Flairant le pactole, à son retour à Londres, il organise des auditions et crée de toutes pièces les Sex Pistols. Lesquels en concevront un mélange de haine et de gratitude. Ephémères, ils implosent en 1978 après une tournée américaine catastrophique marquée par les frasques du bassiste junkie Sid Vicious.
«McLaren était le Dr Frankenstein et les Sex Pistols sa créature incontrôlable», résume Pierre Mikaïloff, qui publie un Dictionnaire raisonné du Punk. «Collier de chien», «Doc Martens», «fanzines», «Giscard», «Billy Idol», «héroïne», «Le Palace», «Sid Vicious»: en tout près de 400 entrées cernent avec une subjectivité assumée la culture punk, ses vêtements, ses objets, ses personnalités, ses dates, sa musique, «tout ce qui a caractérisé une période brève mais intense». Pour Pierre Mikaïloff, le Punk est un son – «tempo rapide et métronomique, guitares saturées, voix juvénile et criarde» – mais c’est aussi les visuels de Jamie Reid, collages d’inspiration situationniste, et le look – jeans et t-shirt étriqués, blouson de cuir, baskets, mèches hérissées ou petite crête – qui réapparaît chez les stylistes «punk chic».
De Londres aux Halles
L’ouvrage est préfacé par Patrick Eudeline, écrivain, critique rock et importateur du Punk en France avec son groupe Asphalt Jungle. Car, souligne Pierre Mikaïloff, «c’est la seule fois dans l’histoire de la musique qu’un mouvement s’est développé simultanément aux Etats-Unis, en Angleterre et en France.» Tandis qu’«en 1976, Londres ne comptait pas plus de 200 punks», à Paris, Yves Adrien de Rock & Folk et Eudeline au magazine Best avaient leur stylo branché depuis des années sur les proto-punks de Detroit et New York. «Eric Debris (futur chanteur de Metal Urbain) faisait régulièrement le voyage de Londres et en ramenait des disques. Une petite communauté se passait le mot à travers les concerts du Gibus et les boutiques des Halles.» Les Stinky Toys, Asphalt Jungle, Starshooter, Metal Urbain seront les fers de lance de la branche française du punk, qui n’a pas à rougir. Au contraire, estime Pierre Mikaïloff: «Metal Urbain a innové avec sa boîte à rythmes et est devenu culte. Ses singles sont des collectors qui se vendent 200 dollars aux Etats-Unis.»
Finalement, que reste-t-il? «Des disques, dont beaucoup de classiques, des films underground, et des écrits» – de Jon Savage, Greil Marcus, Lester Bangs, Nick Kent, et en France Yves Adrien, Patrick Eudeline ou encore le Jeune homme chic d’Alain Pacadis, journal d’un pigiste à Libé le jour, dandy ravagé la nuit. Bref, les plus illustres critiques rock, autant acteurs qu’observateurs.
Le punk ne meurt pas, il vieillit, même plutôt bien. A condition d’en préserver l’esprit. «C’est un phénomène international», analyse Craig O’Hara dont l’ouvrage a été traduit partout (France, Brésil, Chine, Turquie, Russie, Lituanie…). «Lentement mais sûrement, le Punk a essaimé sur la planète. Et chaque année, une nouvelle génération d’adolescents ressent la même colère face à l’hypocrisie du monde, de son environnement, et se tourne vers le Punk.»
RODERIC MOUNIR
Note :
Craig O’Hara, «La Philosophie du Punk. Histoire d’une révolte culturelle», avec suppléments «Sur les traces de l’Hexagone» par Ladzi Galaï et «Etat des lieux» par Florent Mercier, Ed Rytrut, 2003, 232 pp.
Pierre Mikaïloff, «Dictionnaire raisonné du Punk», préface de Patrick Eudeline, Ed. Scali, 2007, 304 pp.
Interview Rytrut, par Rémi Jimenez « Renforcer la Sécurité » webzine, juillet 2007
Interview de LADZI GALAI de RYTRUT éditions par REMI JIMENEZ,
Parue dans feu le site web « RENFORCER LA SECURITE », 29/07/2007
Crées en 2003 par Ladzi Galaï, les éditions Rytrut se consacrent à l’éditions d’ouvrage sur les musiques indépendantes, et notamment le punk. Trois ouvrages ont déjà parus : La Philosophie du punk (2003), les Chansons d’amour de Crass (2005) et l’intégrale des paroles de Trespassers W (2007). Interview de Ladzi :
Bonjour ! Qui es-tu ? Qui est Rytrut ? Et qu’est Rytrut dans ta vie ? Parviens-tu à en vivre ? Et d’abord, ça veut dire quoi, Rytrut ?
Un diminutif de Rythme & Rut, le rythme de la vie ou de la danse et caricature du rituel animal des préliminaires de la reproduction, qui se matérialise par la fête pour les rencontres chez les humains. Je suis un quadragénaire issu de la classe ouvrière. J’ai fait des études secondaires en mécanique générale, puis obtenu un CAP de maçonnerie, suivi plusieurs formations, travaillé dans différents secteurs, usines métallurgiques comme monteur, usine informatique comme cariste et gestionnaire de stock, bâtiment, techniques du spectacle, et d’autres boulots. J’ai étudié la musique classique plus jeune, pratiqué le piano et la trompette, et le punk m’ayant interpellé à l’adolescence, j’ai rompu avec la filière traditionnelle pour apprendre la basse et la guitare en jouant sur des disques. J’ai commencé à écrire des chansons et à jouer dans des groupes en 1982. Je vivais dans un quartier de « banlieue rouge » de l’agglomération grenobloise, ma mère était institutrice et mon père permanent syndical à la CGT. J’ai baigné dans la lutte de classe, tout en ayant une relation particulière avec la nature, vu qu’avec les gamins du quartier, on allait se promener et jouer dans la forêt (le quartier étant au bord de l’urbanisation, au pieds des collines). En famille on allait souvent en montagne et on partait en vacances. Je n’ai pas fait l’armée mais les colonies de vacances, ça vous apprend à connaître la nature humaine en collectivité. La bande de copains était bon enfant. Je n’ai jamais connu l’ennui, traîné dans les quartiers à ne pas savoir quoi faire d’autres que des conneries. Je me suis reconnu dans une flopée de groupes issues des scènes punk rock, dans le sens ou ça correspondait à l’ouverture d’esprit dont je semblais avoir été doté, et aussi au fort sens de la dérision qui semblait animer ma vie. L’influence du punk rock était alors vraiment marginale dans mon environnement, la plupart des jeunes du quartier étaient branché disco, et suivaient le sillon pour trouver leur place dans la société en se valorisant par le travail, plus que par l’artistique ou toute activité ne « payant pas son homme », et par la pratique de loisirs.
Comment t’es venu l’idée de créer Rytrut ?
En 2003, une suite logique de mon évolution personnelle me mène à l’édition. En 1983, on a commencé par un fanzine, appelé Inquiétude, puis Noire Inquiétude suite à la fusion avec un autre fanzine, Noire Vision ; avec l’équipe du fanzine on avait organisé un festival avec notamment Bérurier Noir et Ausweis. En 1985, on a créé un label de cassettes de home music actif dans les réseaux du mail art, nommé R.R.Products (Rythme & Rut). L’idée de base du punk n’étant pas de reproduire des models mais de faire son propre truc, on s’est intéressé aux musiques nouvelles, aux prémisses de la musique électroniques, tout en ayant une sensibilité rock’n’roll et punk rock, on a sorti des musiques pouvant se définir comme post-punk, sans pour autant être réduites à une étiquette. Avec R.R.Products, on a aussi édité des fanzines graphiques en parallèles à des compilations à thème. Niveau littérature et arts graphiques, j’étais notamment intéressé par la période dadaïste. Le roman de 1935 de Louis Guilloux, Le Sang noir, m’ayant fortement touché, j’ai utilisé le pseudo Cripure pendant plusieurs années, pour la musique, l’écriture, et un peu le dessin que j’ai un peu pratiqué. Pendant des années, j’ai donc fait différents boulots, tout en faisant de la musique durant mon temps libre, et j’ai pu financer les projets et acheter du matériel principalement grâce à mes salaires du travail. La musique ne m’ayant jamais fait vivre, j’ai fini par me retrouver au RMI., lassé de travailler pour d’autres. En 1996, j’avais lu une chronique du livre The Philosophy of Punk, alors que je vivais à Londres où j’ai bossé pendant quatre mois. En 2001, je tombe sur le livre en France, et en cours de lecture, j’écris à son auteur, Craig O’Hara, pour lui proposer de le traduire, et c’est ce qui déclenche les éditions Rytrut. Mais l’idée de traduire des paroles de chansons avec l’objectif de les éditer est née en 1995, quand j’ai commencé à travailler sur les paroles du groupe néerlandais Trespassers W.
Est-ce qu’il t’a été difficile de passer de « l’idée » à la réalisation de ce projet ? Démarches administratives, problèmes financiers, question des droits d’auteurs, etc… j’imagine que tout ça n’est pas simple à gérer. Tu as été formé ou tu as tout appris sur le tas ?
Sur le tas. Je suis autodidacte, et toutes les expériences précédentes sont formatrices. Rien ne tombe comme ça, l’évolution est bien une suite logique. J’ai toujours eu un esprit analytique et critiques des contemporains rencontrés ou observés dans le monde du travail et dans la vie courante. Le fanzinat et le label underground de cassettes m’ont amené beaucoup d’échanges. J’ai participé à la programmation d’un squat la saison 2004/2005 à Grenoble; ce qui m’a appris qu’en dehors de l’utopie ou d’un certain idéalisme, on retrouve des comportement similaires dans tous les milieux. L’Humain est très inspirant. Il y a toujours et partout, des gens sur qui on peut compter, qui vous enrichisse, et des enfoirés de première, prêts à tout faire foirer, à saper votre travail.. Au niveau technique, je me suis fait conseiller, associé à des professionnels, et me suis récemment mis à la mise en pages à l’aide d’un bouquin pour tendre à être encore plus indépendant. Les démarches administratives ne sont pas ce qu’il y a de plus marrant quand on fait dans l’artistique, mais quand il nous faut passer par là, c’est juste des formalités qu’il ne faut pas vivre comme des contraintes. Au niveau finance, je suis parti du point zéro. J’étais Rmiste, aucun budget. J’ai fait un emprunt bancaire qui n’était pas suffisant pour financer le premier tirage de La Philosophie du punk. Il existe des structures d’aide à l’édition, j’ai donc écrit au Centre national du livre, et soumis le manuscrit. Il m’a été octroyé une aide remboursable de 1450 €, j’ai donc eu assez pour payer l’imprimeur. Ce n’est pas une « vraie » subvention vu que c’est à rembourser. Mais il ne faut pas cracher dans la soupe quand on vous accorde un intérêt qui vous permette de diffuser vos idées. Tout projet doit être financé, qu’il le soit par votre propre emploi dans la société, que vous soyez ouvrier ou fonctionnaire, que vous payez vos impôts ou que vous ne soyez pas imposables, ou que vous trouviez des collaborateurs pour partager les frais. Les droits d’auteur sont une chose normale quand on diffuse le travail de cet auteur. Ceux fixés par Rytrut sont de 10 % du bénéfice, ce qui semble être supérieur à ce qui se pratique dans l’édition. Pour l’instant, il n’y a que Craig O’Hara et AK Press qui les touchent (il les avait laissé à Rytrut sur les 1000 premiers exemplaires vendus, pour nous soutenir). Les frais des deux livres d’après, Crass et Trespassers W, ne sont pas encore couverts. Je ne me paye pas en tant que traducteur, et pour tout le boulot fourni pour la diffusion, etc. Le but n’étant pas le profit, tous les bénéfices sont réinvestis sur les projets suivants. Le but est la diffusion des idées. Qui s’imagine qu’on peut faire du profit avec le punk ou autre expression underground vit dans une complète utopie. Il ne faut pas mélanger les notions. Et comme le dit cet aphorisme « il n’y a pas de sot métier, il n’y a que des sots tout court » . Si par la suite j’arrive à vivre de l’édition, à m’assurer au moins un salaire à mi-temps, ce sera tout à mon honneur. Je ne travaillerai pas pour d’autres, ne toucherai pas mon salaire de fonctionnaire ou autre me permettant de financer mes projets tout en me réclamant du DIY (ce qui n’est pas foncièrement critiquable en soit, mais dans ce cas là, autant l’afficher ouvertement et cesser de jouer au misérabilisme). Je le vivrais pleinement et honnêtement. Je ne compte pas le temps dépensé pour Rytrut. C’est quasi tout mon temps, j’ai même dû mettre la musique en stand-bye pour l’instant. Je me donne pleinement. Je crois en ce que je fais, en essayant de ne pas me compromettre avec la mesquinerie et les idées reçues qui bouffent le cœur derrière la façade.
Les éditions Rytrut ont un statut d’association loi 1901, sans subventions. Pourquoi avoir choisi le statut d’association ? Est-ce plus pratique, plus facile ?
Rytrut est la suite logique de Rythme & Rut, qui est une association de loi 1901 depuis 1988. Comme expliqué plus haut, j’ai auparavant financé l’activité de diffusion musicale, cassettes et Cds par les boulots que je faisaient en parallèles. Il n’y a pas de profit, donc pas d’impôts, ce ne serait pas gérable, vu qu’on fait dans l’édition à petite échelle. Je suis sorti du RMI en 2005, grâce à un contrat aidé. Je suis donc l’unique salarié de l’association. Commencé par un CAE à 35 heures au SMIC, poursuivi par un contrat d’avenir à 26 heures. L’aide au salaire de ce contrat par le CNASEA est dégressive et sera définitivement close à l’automne 2008. Comme Rytrut a un salarié, j’ai aussi les charges de bases employeur, qui tournent autour de 1000 € tous les trois mois. Je reste parmi les gens considérés comme vivant en dessous du seuil de pauvreté, et pourtant je m’accroche au navire. Je ne suis pas gourmand, ne suis pas un requin, je suis modeste et économe.
On peut lire à la quatrième page de La Philosophie du punk la mention « Ouvrage publié avec le concours du Centre nationale du Livre ». En quoi a consisté ce soutien ? Comment es-tu parvenu à le décrocher ? N’as-tu pas peur que les grands inquisiteur du punk, toujours prêts à donner des leçons d’éthique Do-It-Yourself et à distribuer des bons points, te le reprochent ?
Suite au geste du CNL, l’aide remboursable pour démarrer l’édition, comme expliqué plus haut, il était convenu que cette phrase apparaisse dans le livre. Cette avance financière correspondait à un quart du devis de l’imprimerie. Le DYI est peut-être devenu un mot à la mode, mais nous avons toujours fonctionné avec ce principe, le do-it-yourself, le bricolage, faire avec les moyens que l’on a, où que l’on parvient à se donner, hors du contexte des multinationales et des grandes firmes. L’argent est un moyen pas un but. Si certains s’avisent à me reprocher quoi que ce soit, je pense qu’ils sont à côté de la plaque. Est-ce qu’ils ont montés leur propre imprimerie, propre fabrique de pressage, d’où tiennent-ils les revenus pour financer leurs projets ? Que finance une partie de l’argent quand ils sortent des CD, même quand ils achètent des CD vierges ? Ceux-là feraient mieux de se marginaliser complètement, d’arrêter tout lien avec le monde moderne, et se retirer dans des lieux où ils devront fabriquer leur propre électricité, distribution de l’eau, etc., et cesser de s’afficher sous une éthique qu’il utilisent comme une barrière. Je méprise l’hypocrisie latente et sectaire de surcroît. Je me méfies des clans, des foules, des masses, des effets de la médiocrité, des moutons parqués dans la prison de leur cerveau. Mais j’apprécie les gens positifs. Et les ragots de basse-cour émanent souvent de personnes qui font de mauvaises interprétations et qui se croient dans le vrai. Même si elle s’en défend, la scène ne manque pas d’arrivistes prétentieux, qui freinent les choses plutôt que de les soutenir. Je n’en connais qu’une infime partie alors j’ose espérer que ce ne sont que des cas isolés qui se vautrent dans la mesquinerie. Quand cela se produit, c’est dommage, mais c’est à l’image d’un modèle de société qui peut se reproduire même chez les plus récalcitrants, et c’est pour ça qu’il y a des limites à « l’unité ». Quand on a conscience de cela, on devient intouchable, c’est à dire que les bassesses humaines se transforment en inspiration quand on fait de la chanson, et un exemple de ce qu’il ne faut pas faire. Ce qui est parfois nommé comme la « police du punk » est un leurre. Je crois en la sincérité, pas au calcul de castes, quitte à en perdre des plumes.
Pour le moment, Rytrut publie essentiellement des traductions. Est-ce un choix délibéré ? Comptes-tu publier des œuvres originales ?
Oui, c’est un choix, peut-être une ligne éditoriale, car il s’avère que je baigne depuis longtemps dans la culture anglo-saxonne davantage que dans la culture française, même ci celle-ci me m’est pas indifférente, puisque j’en fait aussi partie. Aussi, Rytrut est tout petite, y a pas de personnel, je me tape presque tout, avec l’aide de quelques amis, et de collaborateurs sur les projets. Par exemple sortir des bouquins de traductions de paroles anglo-saxonnes est utile pour la « communauté » et pour s’ouvrir aux autres qui vivent dans d’autres univers et qui ne sont pas foncièrement recroquevillées dans leur coquille. Le but étant la diffusion des idées, à nouveau. C’est un acte de générosité. Publier des œuvres originales serait envisageable par la suite, mais pour l’instant, vu la charge de travail, j’essaye de mener projet après projet. Je ne peux aller au rythme d’une plus grosse structure, et fonctionne évidemment aux coups de cœur.
Rytrut est-il un « éditeur musical » ? Penses-tu continuer à publier des ouvrages en rapport avec la musique ou ouvrir ton catalogue à d’autres domaines : littérature, sciences sociales, thèses de mécanique quantique, essais sur la démographie yéménite par la statistique, l’analyse de graphe et l’étude de réseaux ?
Tes énumérations dépassent mon niveau de connaissances, mais comme tous les curieux, je suis avide d’apprendre [NdRLS : c’était pour rire !]. Je me considère toujours comme un amateur dans les domaines que je pratique, donc je fais forcément des erreurs mais suis à l’écoute des conseils me permettant d’évoluer. Oui, les ouvrages en rapport avec la musique sont le moteur de Rytrut. Et la musique devrait sûrement être le moteur des ouvrages qui seront publiés par la suite. Mon ami Lobo, un acolyte du fanzine Noire Inquiétude, et ensuite de R.R.Products, avec qui j’avais formé les Dirty Husbands en 1987, vit en Espagne depuis 7 ans, où il a monté un studio d’enregistrement. Il est venu en visite récemment, et il est question que nous ressortions des cassettes albums en CD, en créant la branche musicale de Rytrut, redonnant vie à R.R.Products ; bien sûr nous avons toujours des moyens limités. Enfin l’idée suis son cours. Les deux premiers trucs qu’il se charge de remixer sont les Dirty Husbands et Hermaphrodisiak, un autre duo auquel j’ai participé. Le webmaster de notre site viens de mettre une page d’infos sur la discographie de Trespassers W, et comment commander les disques disponibles. Le groupe n’est pas très connu en France, c’est donc risqué de sortir un livre de leurs textes, car beaucoup ne s’intéressent qu’à ce qu’ils connaissent déjà. C’est un groupe post-punk qui n’a pas hésité à s’exprimer dans d’autres univers. À mes yeux, ils sont peut-être davantage un groupe punk que d’autres groupes soi-disant « punk », parce qu’ils ne s’en revendiquent pas, et font leur truc sans se cacher derrière une étiquette parfois galvaudée. Les paroles de Cor Gout sont fortes et personnelles, sans tomber dans des clichés qui se répètent sur la volonté de changer le monde. Trespassers W sont cités dans le livre de Joe Carducci, Rock and the Pop Narcotic, publié chez 2.13.61, l’édition d’Henry Rollins, en 1990 et 1994.
Ton « public », j’imagine, est surtout le milieu punk et les scènes musicales indépendantes. Tu travailles avec des distributeurs (Alize-SFL et le Celf), cela te permet-il de toucher d’autres gens, d’autres sensibilités ? Fonctionnes-tu également avec les réseaux de diffusion du mouvement punk, distros indépendantes (et clandestines), tables tenues dans les concerts, etc. ?
On travaille avec toutes les bonnes volontés. Bien sûr les deux premiers livres intéressent plus particulièrement le milieu punk, et aussi parfois des personnes ne connaissant pas ce milieu, ce qui est plutôt une chose encourageante (sortons des ghettos !). Je ne vis pas dans un ghetto, mon cerveau n’est pas un ghetto. Je me donne les moyens d’être libre de mes choix. Oui, le punk fait partie de mes passions, et ses dérivés aussi. Le « public » de Rytrut est principalement un public de passionnés par le punk, c’est indéniable. Mais notre objectif et aussi de mieux faire découvrir cette culture à des personnes qui n’en connaissent que les stéréotypes, et non ses variantes. Et c’est chose ardue, mais quand cela se produit, ce n’est pas vain. L’état d’esprit et la créativité m’intéresse plus que l’éthique, les apparences et les faux-semblants. Nous éditons des livres, il y a un ISBN, les ouvrages sont référencés chez Electre, l’annonceur des libraires. Donc tous les libraires français sont informés de la sortie des livres, libre à eux de les commander ou pas. Jusqu’à maintenant les distros indépendantes nous ont été d’un grand soutien, surtout pour la diffusion de La Philosophie du punk, et ils ont leur pourcentage comme tout libraire, on leur rends la monnaie en continuant de bosser sur d’autre projets. Chacun y trouve son compte. Ces derniers temps, les commandes de distros indépendantes, agissant parfois avec des tables de presse à des concerts, se sont calmés. Cela m’interroge, il y en a sûrement qui s’imagine qu’on se fait des couilles en or ! (« alors qu’on mange des nouilles encore » dixit Mounir, journaliste au Courrier de Genève). Mais ceux-là se mettent le doigt dans l’œil. De plus la concurrence et la compétition est peut-être présente à l’esprit de certains, mais n’entre pas du tout dans notre fonctionnement. La Fnac nous boycotte. Cela pourrait toucher un plus large public s’il en prenaient dans leurs rayons. La question n’effleure même pas les plus réacs, qui préfèrent que les informations tournent en cercle fermé. La Société Française du Livre (Alize-SFL) est un intermédiaire entre le libraire et l’éditeur, elle ne prend pas de pourcentage à son compte, c’est un outil pratique, un outil de soutien. La plupart des commandes de librairies (Fnac comprise quand ça arrive, mais rarement) sont à l’unité. C’est le client qui va chez sont libraire pour commander le livre. La SFL est moins gourmande que les diffuseurs, qui prennent 50% de remise car il faut bien qu’ils fassent leur marge en plus de la remise libraire. Même les diffuseurs indépendants demandent 50%, mais on ne peut pas se le permettre, le budget est trop serré. La notion de distributeurs est différente. Quelques librairies et disquaires continuent de nous commander des livres par petites quantités, car ils sont concernés, mais peu nombreux. Le Centre d’Exportation du Livre Français (CELF) ne prend aucune remise sur ses commandes, son objectif est de proposer les livres à l’étranger. Par la suite, on peut avoir des commandes de l’étranger. Le Celf est un organe de la culture positif, qui n’a rien à envier aux alternatifs. Il faut cesser les petites gé-guerres systématiques contre toute institution, au risque de devenir la pire institution marginale, refermée sur elle-même, tout ça par frustration de ne pas voir ses produits plus largement diffusés. Est-ce que vos produits souterrains intéresseraient le consommateur de supermarché, qui s’y rends pour acheter la dernière promotion de TF1 et consorts ? Alors !
Quelle proportion des livres vendus te sont commandés directement par les lecteurs (sans l’intermédiaire d’un distributeur et d’un libraire) ?
Il faudrait que je compte, mais je dirais environ un tiers. Nous avons besoins des distributeurs indépendants pour vivre, sous quelque forme qu’ils soient. Bon nombre de librairies du courant dominant sont loin d’avoir intégré le punk comme un outil culturel, malgré la médiatisation du mouvement qui a évolué ces dernières années en France. Et si les distributeurs indépendants ont aussi besoin de nous pour vivre (les éditeurs indépendants), c’est qu’ils sont encore dans le DYI qu’ils défendent ; ou alors ils s’en fichent car ils ont d’autres sources de revenus pour exister. Mais après faut pas nous la raconter.
Rytrut est un éditeur indépendant, espèce en voie d’extinction. As-tu des rapports avec tes semblables français et étrangers ? Je pense notamment à des éditeurs anglo-saxons qui sont sur le même créneau (punk, anarchisme, etc.) comme AK Press ou Exitstencil Press.
Bien sûr, je suis en contact avec les éditeurs anglo-saxons avec qui nous travaillons. AK Press reçoit les droits d’auteurs de La Philosophie du Punk, à hauteur de 5% pour l’éditeur et 5% pour l’auteur. Je reçoit leur catalogue, ils sont incroyablement productifs et actifs, et ce n’est pas non plus facile pour eux par les temps qui courent. Exitstencil Press est le nom éditorial de Crass, aussi édité par AK Press. Nous avons travaillé avec Pomona pour Chansons d’Amour. J’ai forcément plus de rapports avec les éditeurs avec qui nous travaillons. En France, il y a ACL, qui nous ont soutenu en diffusant La Philosophie du punk dans leur catalogue. Je les avais rencontré quand le livre était en projet, puis j’ai finalement crée Rytrut pour le sortir, car c’était une bonne introduction pour commencer l’édition.
En tant qu’éditeur et traducteur avec une culture anarcho-punk, comment vois-tu le copyright ? Que penses-tu des alternatives à cette « propriété intellectuelle », comme les Creative Commons, copyleft ou licenses Art-Libre ?
Je n’ai pas une culture rectiligne, et spécifiquement anarcho-punk, même si j’y suis fortement sensible et investi par la diffusion de nos livres. Mais je ne prends pas les sens unique à contre-sens pour autant. J’espère avoir une culture beaucoup plus large [NdRLS : Encore heureux, parce qu’une culture « anarcho-punk » seule n’irait pas bien loin]. L’humanité est vaste, les différences entre les gens sont nombreuses, mais il y a aussi beaucoup de points communs. Je garde toujours en tête que la lutte continue contre l’asservissement du plus grand nombre pour quelque élus, et tous les désastres engendrées dans le monde, et aussi à côté de chez vous. Mais je ne prophétiserait rien qui ne soit que des paroles non mises en action. Sinon je me serais engagé en politique depuis longtemps, mais j’ai choisi de faire passer mes idées avec des chansons, souvent dérisoires, avec légèreté et dérision. À chacun sa manière. L’édition est un autre moyen. La propriété intellectuelle, je n’en penses pas grand chose, ne me suis pas trop penché sur la question. On a mis le copyright dans nos livres. Les auteurs sont libres de prêter des extraits de leurs textes ou pas à d’autres publications. Il n’y a généralement pas d’inconvénients à ce que ce soit autorisé, mais la politesse, ça s’apprend avec l’éducation. Crass ont même poussé la farce jusqu’à mettre dans l’ours la longue phrase contre le piratage sans autorisation de l’auteur ou de l’éditeur. Cela a du irriter pas mal de conformistes ou d’esprits obtus. Une moquerie de plus à leur répertoire. On en rit encore dans les chaumières, ou on s’en mors les doigts. Que se dérident les culs serrés !
Si tu devais décrire tes livres, qu’en dirais-tu ?
Je dirais que jusqu’à présent ce ne sont pas mes livres. Ce sont les fruits d’un travail collectif, même si je suis le plus investi. Après, il y a des chroniqueurs qui se chargent d’en parler, c’est leur boulot. On a eu quelques problèmes avec les imprimeurs, pas évident d’être au four et au moulin. Rytrut est un jeune éditeur, on a fait des coquilles, on tente à s’améliorer, passer du fanzinat à l’édition est un vrai travail. On a pas la science infuse, mais on croit en ce qu’on fait.
Quelle est l’actualité des éditions Rytrut ? Quels projets en perspectives ? Quels souhaits ? Quels rêves ? Quelles utopies ?
On travaille toujours sur le livre des paroles de Jello Biafra, c’est assez pointu, mais on va faire ça bien. Il est question de s’associer avec FZM pour le financement. On a aussi commencé la traduction d’un autre livre sur le punk, le premier d’un auteur qui a récemment créé sa propre édition, surprise ! Et aussi sur un autre livre de Crass, incorporant tous les textes insérés dans leurs disques, un complément au livre de leurs paroles. Bref, il y a un taf énorme en traduction. On peut souhaiter avoir les moyens de continuer ce périple, sans cesser de recevoir le soutien de la scène, du public, des gens qui ont du cœur à l’œuvre et dans la vie. Et on taf, et on taf, pour que les projets ne tardent tout de même pas trop à voir le jour. C’est fini les grandes vacances !